Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

mercredi 31 août 2011

Dérive partie 1 : Cimetière de Trinidad

Je ne peux faire qu'un seul article pour la journée de dimanche et je vais donc vous en proposer deux, comme pour ma semaine à Ngirai, sauf que cette fois il n'est pas question de travail mais de tourisme et de ressentis. Mais je vais un peu vite et ne peut commencer ce récit le dimanche, je reviendrais donc à mon arrivée à Trini vendredi soir avant de vous expliquer le titre de cet article.
Aaaah, les colonnades vous manquaient, hein ?
Je quittais donc le village où j'avais eu tant de mal à entrer et ou j'avais enchaîné les changements de plans. Durant l'après midi avant mon départ je recevais un coup de fil, qui coupa au milieu faute de signal. Une fois dans la voiture je rappelle Swintha, lui annonçant que j'arrive bientôt. Elle me dit qu'elle va m'attendre pour sortir manger. Swintha est une linguiste allemande qui étudie une langue de Bolivie qui s'appelle bauré et qui est parlé au nord de ma zone, sans qu'il y ait jamais eu de contact entre les deux groupes, a priori. Elle a fini sa thèse en 2008 et elle a plus ou moins la quarantaine. Elle n'a pas du tout un look universitaire, arborant d'immenses dreadlock qui lui descendent jusqu'à la ceinture ainsi que plusieurs percings. Elle parle un peu français, mais on a plutôt échangé en espagnol. Elle venait en Bolivie quelques semaines pour chercher si il restait des locuteurs d'une langue dite disparue, le jora. Elle accompagnait également une amie à elle, étudiante en art. Les deux avaient monté un projet de livre illustré pour les enfants du village et allaient donc leur donner. Cette dernière ne parlait pas espagnol et je me suis remis à l'anglais avec difficulté.

Je passe sur la soirée de vendredi, la journée de samedi et la matinée de dimanche, qui furent très chouette, avec découverte d'un restaurant brésilien type Flunch mais en bien, avec assiette au poids, et travail studieux. Patricia, l'artiste, tente de m'expliquer son approche, que je ne comprends pas trop mais qui me semble proche de celle des situationnistes, et particulièrement de ce qu'ils nomment la dérive.

Une autre couleur de la ville
Une dérive diffère d'une promenade par son but. Il s'agit de marcher sans avoir un lieu pour objectif mais une recherche des sentiments que nous évoquent chaque lieux et des voies de circulation dans la ville. On peut arriver ainsi à dresser une sorte de carte psychogéographique du lieu visité, organisée par des unités d'ambiances et des plaques tournantes où se croisent les flux. Et lorsque Patricia m'a fait part de son envie de visiter le cimetière, je me suis dit que ce serait un excellent endroit où dériver.

Le gardien du lieu n'a pas l'air de cet avis
Nous nous y rendons vers 15h, en moto-taxi. Je reconnais un trajet que j'ai déjà fait et je situe un peu où nous sommes. L'entrée du cimetière est une immense porte en bois, entourée de colonnes sculptées en spirale. Nous entrons, entourés de gamin qui nous propose une visite. Près du porche se trouve une petite chapelle avec des gerbes de fleur. Comme vous le savez, je photographie les fleurs depuis que je suis en Bolivie, et cela me permet un premier constat : ce ne sont pas des imitations de fleurs locales. Encore plus que dans les cimetières français, se sont des symboles floraux, des illustrations de ce que sont les fleurs, mais ce ne sont pas des fleurs.

Les voilà, avec des colonnes et une vierge toute mimi
Je dérive ensuite seul dans le cimetière. Il est organisé en grandes zones mais au sein de chacune c'est de bric et de broc. Ce qui me fait réaliser à quel point nous vivons, en Europe, dans une société de l'unité et de l'uniformité. Ici, c'est le contraire, diversité des cultures et diversité des goûts sont clairement affichés. Il est impossible de trouver une rue d'une seule couleur, et c'est la même chose dans le cimetière. Il y a une variété impressionnante de tombes, et de monuments funéraires, mais j'arriverais à ceux-là plus tard. Ensemble est confus.
Oserais-je parler de pot-pourris pour décrire ce panachage ?
Le premier ressentis que me frappe est qu'il n'y a pas de volonté de quiétude. Chaque arbre est différent, certains croulants sous les fruits que viennent ramasser quelques personnes venant nettoyer la tombe d'une personne de leur famille. Les enfants jouent ou courent dans les allées sans que personne ne leur dise rien. L'idée de « reposer en paix » n'a pas été intégré par les boliviens, ni recherché par les européens ayant émigrés ici. Car ce n'est pas une coutume locale, entendons-nous bien, et je suis là dans un cimetière chrétiens.
Un cimetière bien végétal, dans certaines zones
Beaucoup de gens meurent seul, j'ai l'impression. Pas vraiment de service d'entretien, laissant voir des dizaines de tombes en friche, avec des herbes folles et ces croix de bois où sont écrits les dates de naissance et de mort. Je repense alors à l'exploration urbaine, au fait que la nature reprenne le dessus sur l'Homme. Ce n'est pas le cas ici, où l'Homme n'a pas cherché à dominer la nature, à la domestiquer.

Voir complètement dominé par la nature
J'arrive plus loin aux murs funéraires, comme il est de coutume dans plusieurs pays. L'impression d'être face à des HLM funèbres s'estompe face aux couleurs, qui forment un damier presque joyeux. Un écrit à même le mur indique que la couleur crème doit être utilisée pour les enfants. Certaines cases sont recouvertes d'une plaque en verre ou d'une grille pour protéger une icône religieuse et une photo de l'enfant, mais le plus souvent c'est très simple.

Choisis ta cage
Dans un coin du cimetière je rencontre un groupe de mausolées construits par des corporations : les pharmaciennes, une compagnie de taxi, les professeurs ruraux,...Il n'y en a pas beaucoup, mais le phénomène m'étonne. Je me dis qu'en Europe il pourrait tout aussi bien y avoir des cimetières pour routiers, pour ces gens qui existent socialement par leur métier plus que par leur famille. C'est aussi le cas des prof et docteur, dont le statut social est indiqué avant le nom.

Une des allées centrales
Il y a bien sûr des dizaines de caveaux construits par une famille, illustrant le fossé économique de la ville. Ils sont tous plus ou moins de la même taille mais tous de formes et de couleurs différentes. Je vais d'ailleurs terminer cette visite par une série de plusieurs édifices étonnants. Là encore, notons que le but n'est pas la tranquillité du défunt, mais de montrer la grandeur de la famille, quand bien même seule deux personnes y sont enterrées.

Oh, les belles colonnes grecques !
C'est d'ailleurs un constat global : ce cimetière est vide. Ou plutôt, il n'est pas plein, comme le sont les cimetières européens. Il y a encore beaucoup de place, tant du côté des pauvres que de celui des riches. Les murs de tombes ne sont donc pas choisis par manque de place mais plus vraisemblablement pour des raisons économiques. Une inscriptions sur l'un d'eux me fait penser aussi qu'il pourrait s'agir d'un service de la ville, pour ceux qui n'ont pas les moyens ou pour les gens qui meurent vraiment seuls, mais je n'en suis pas sûr.

J'ai beaucoup aimé ce modèle réduit
Ma dérive aurait pu s'achever là, sur ce cimetière immense, qui laisse une impression si étrange, mais ce ne fut pas le cas, comme vous le verrez dans le prochain article ! Il ne viendra par contre que vendredi, puisque je vais retourner aujourd'hui dans les villages donner des copies de mon travail et dire au revoir. La suite de la dérive m'a emmené dans un endroit bien différent mais encore plus dépaysant ! 






2 commentaires:

  1. Rigolo ce cimetière, si je puis dire.

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  2. Finalement t'as eu des bols hein!
    Bof on a du te la faire 20 fois mais tant pis j'ose...

    J'ai beaucoup beaucoup ri avec ton pot pourri...

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