Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

vendredi 2 septembre 2011

Dérive partie 2 : Puerto Ballivián

Cet article fait suite à la visite du cimetière et se déroule le même jour.

J'étais donc dans le cimetière de Trinidad, à discuter avec Patricia, l'artiste allemande. Je lui fais part de ma connaissance inouïe de la ville, et du fait que je suis déjà venu dans ce quartier une fois. Je lui propose donc d'aller au centre artisanal qui se trouve tout proche. Il s'agit d'un centre de production et de vente de produits plus ou moins traditionnels ou naturels faits par les Moxos, une ethnie vaste dont j'avais déjà évoqué le nom dans un précédent article. Par le passé, les Sirionos fabriquaient le même type d'objets mais ils ont arrêtés depuis environ six ans, parce qu'ils ont perdus le numéro du compte en banque, si j'ai bien compris. C'est bien dommage car ils ont des dizaines de sortes de graines et pépins colorés qui font de magnifiques colliers et bracelets.
J'adore la tête de cette statuette. Il font des masques trop cool avec cette tête là !
Bon, il y a aussi des choses moins bien, comme les crocodiles empaillés avec leur petit poisson et les colliers avec des dents de tigres mais dans l'ensemble c'est vraiment chouette. On y arrive alors qu'une camionnette décharge un coffre en bois magnifique. L'homme du magasin nous dit alors qu'ils viennent d'une féria. Je traduis pour ma collègue et ça lui dit d'aller voir. Je lui demande où c'est et il me donne un nom que je ne connais pas. On va siffler une moto-taxi et je répète le nom. On attends même pas un quart de seconde avant que n'arrive une autre moto-taxi et on part chacun sur une moto.

Ce n'est qu'après quelques rues que j'ai capté que dans Puerto Ballivian il y avait le mot Puerto donc Port, et que c'était donc forcément hors de la ville. Mais après tout, nous étions déjà en chemin et Patricia venait de me dire qu'elle avait pas le sentiment d'être aussi loin de chez elle que ça. Sa moto fut plus rapide que la mienne et elle me perdit de vue. Elle me dira après qu'elle a eu un peu peur, ne sachant pas du tout où nous allions. On fait environ huit kilomètres et le taxi nous demande 15bol (1,5 euros), ce qui me semble un prix normal pour ce genre de course, pas grossi parce qu'on est des touristes, ils ne font pas ça ici. Enfin, de toute façon, on est trop occupés à admirer le paysage pour imaginer protester.

Coucher de soleil.

Le fleuve est très bas en cette période de l'année mais encore assez large et le soleil se reflète à sa surface d'une manière incroyable. Sur ses berges se baignent quelques personnes, dans une eau rendue magnifique par le soleil couchant. La féria est en fait en train de se terminer et les gens commencent à ranger les stands et à boire des bières autour d'une maison circulaire. De toute façon, c'est pas ça qui nous intéresse, c'est ce paysage complètement absurde. J'ai l'impression soudaine d'avoir changé de pays et d'être en Asie ! Une impression renforcée par les rangées de petites embarcations le long des berges.

Un autre bateau attire mon attention, une sorte de bicoque flottante, verte et blanche, qui semble provenir d'un autre temps, où être hors du temps. Elle semble vraiment faite pour les excursions touristiques alors que le reste du village, et la fiesta dans son ensemble sont très populaires. En marchant pour nous éloigner de la foule on est dépassé par un pick-up dans lequel un type m'interpelle pour me demander quand est-ce que je retournerais à Ibiato. Je ne le reconnais pas mais suis touché que lui me reconnaisse. On marche un bout de temps puis on fait demi-tour. C'est vraiment un petit village et la nuit commence à tomber.


Les rangées de petites barques très asiatiques
On revient vers la foule, qui est partie entre temps. Il ne reste en effet plus grand monde et on a le choix à ce moment là de suivre le mouvement et d'abandonner ce lieu ou d'y rester un peu plus, de poursuivre la dérive. On choisis la seconde option, et on va s'installer à une table dans un restaurant. Je détaille la carte à Patricia en lui expliquant que le surubi est un poisson d'eau douce de la région, assez fameux paraît-il. Encensé par le Routard en tout cas. Elle a bien envie de goûter et on commande donc deux assiettes. Je lui avais parlé la veille du vin blanc local à 40° qui s'appelle Singani et elle est curieuse de goûter aussi. On en commande donc une bouteille, tant qu'on y est. On se la joue presque riches en commandant cette bouteille à 4 euros et des plats assez onéreux pour les gens du coin.

Il y a peu de gens dans ce restaurant et le village est quasiment désert. A une autre table une famille chante avec une guitare, sans que l'on ne comprenne pourquoi. Après à peine trois chansons ils partent et un type va alors choisir les chansons sur le jukebox, mettant des reprises d'Adamo en espagnol que l'allemande reconnaît et moi non. Le poisson arrive en même temps que le vin. Il a été préparé en chicharron, c'est à dire en beignet, panné. Je ne pense que ce n'est sûrement pas la meilleure façon de l'apprécier mais qu'importe, on a du vin. Celui-ci est d'une autre marque que celui que j'avais goûté mais son goût est tout aussi sympathique. C'est étonnant car c'est un peu comme de la tequila, sans que ça brûle la bouche. L'alcool ne nous monte pas trop à la tête grâce au poisson, dont nous ne pourrons manger que la moitié tant l'assiette est copieuse.

J'adore vraiment cette embarcation !
Une famille s'installe à la table d'à côté et ils commandent deux assiettes pour cinq. Un ivrogne arrive alors dans la rue et s'approche de nous en titubant, chantant de façon ridiculement amusante la chanson du jukebox. Il vient me parler, Patricia lui disant tout de suite qu'elle ne comprenait rien. Et pour le coup, moi non plus. Il semble me dire qu'il a faim et je lui propose la fin de l'assiette de Patricia, celle-ci confirmant qu'elle n'en veut plus. Il rechigne sans que je comprenne vraiment et le voisin intervient alors. Il demande à l'homme d'arrêter de nous importuner et l'accompagne vers une autre table. Il retourne ensuite chercher son assiette qu'il n'avait pas fini non plus et lui donne. Voilà un geste d'une humilité et d'une sympathie extrême qui m'a beaucoup ému.

La famille avait une fille d'une dizaine d'année ainsi qu'un bébé, dont cette dernière s'occupait beaucoup. Elle faisait des allers et venues pour l'endormir. Patricia la trouvait trop mignonne, avec la nuit derrière elle, et elle voulait faire une photo, mais ne savait pas comment lui demander. J'y suis donc allé, et elle a accepté. J'ai ensuite remercié la famille, leur disant qu'on les trouvait très sympathique, une bien belle famille. J'ai capté qu'ils discutaient de notre bouteille alors je leur ai proposé un verre, puisque de toute façon nous étions bien incapable de la finir. Le père a eu un peu de mal mais à sembler apprécier, sa femme un peu moins, mais je ne sais pas trop. La fille la plus âgée a voulu goûter ensuite, elle devait avoir 16-17 ans je dirais, et elle ne connaissais pas du tout, à la tête qu'elle fit en goûtant ! Sur proposition de Patricia, on finira par leur offrir la bouteille en partant.

Ils ne servent pas qu'à décorer en plus !
Un autre personnage marquant de cette soirée fut la tenancière de la brasserie-restaurant. Une vieille dame toute gentille qui nous a demandé d'où nous venions et qui nous a parlé un peu du village. Le fleuve s'appelle donc le Rio Ibare, ce qui signifie la rivière de l'or. Il n'y en a pas réellement dans celui-ci mais plusieurs fleuves de Bolivie en contiennent. C'est peut-être que celui-ci provient des mystérieuses cités d'or ?

Je lui demande comment repartir d'ici et elle m'informe qu'un homme va conduire sa fille à la ville un peu plus tard et que l'on pourra aller avec lui en voiture. Ce qui tombe bien, car la nuit en moto, c'est se transformer en appât mouvant pour moustiques. Bon, au restaurant, ça n'a pas manqué, il y en avait une nuée et on a été bouffé, comme ça m'est déjà arrivé plusieurs fois ici. Faut dire, on avait pas prévu le coup en partant en début d'après midi pour le cimetière !

Une toute petite église, qu'on pourrait confondre avec des toilettes publics
On retourne donc en ville pour rejoindre Swintha, qui cherchait à nous joindre depuis un moment. Elle est au restaurant où on peut manger la pizza cosmique hawaïenne à la papaye dont j'ai déjà parlé je crois. Qu'importe, j'vous mets une photo cette fois pour que vous ayez encore plus envie d'aller en Bolivie (ou de tenter cette pizza chez vous (si vous le faites, invitez moi)). On y retrouve un homme avec qui Swintha a écrit un livre sur la culture et la langue des Baurés. Je discute un peu avec lui pour lui demander ce qu'il fait et il me dit qu'il est professeur dans un collège mais qu'il veut ouvrir un musée sur l'histoire des Baurés, et qu'il est en train de rechercher les financements.

LA PIZZA TRANSCONDIMENTALE !!!
Je repense alors à une chose dont m'avait parlé Patricia. Outre ses études d'arts, elle participe à un projet d'archivage d'anciennes photos de familles. Je lui ai demandé alors si il pensait qu'elle pourrait faire ça ici. Et de fil en aiguille, de traduction en reformulation nous en sommes venus à conclure qu'ils pourraient arriver à un arrangement profitable aux deux ! Elle pourrait conserver les originales des photos en offrant aux familles des copies agrandies, faisant au passage une copie pour le musée. Et lui pourrait l'aider à approcher les familles, ainsi qu'à discuter avec les gens.

Et une dernière photo avec le soleil couchant et le chouette bateau
Une bonne conclusion pour cette journée qui commença par une visite du cimetière et se poursuivit par une expédition dans un autre monde, pour se terminer par des projets d'avenir et des rêves plein la tête. Je n'ai pas beaucoup avancé dans mon travail ce jour là mais j'ai progressé en va-et-vient rapide entre deux langues, fais des rencontres incroyables, expérimenté une dérive improvisée et découvert un nouveau pan de la Bolivie que j'espère pouvoir explorer plus en profondeur la prochaine fois ! Mais le voyage n'est pas fini, et j'ai encore d'autres article en préparation ! Le prochain sera probablement sur le départ, et je l'enverrais depuis Santa Cruz demain !

2 commentaires:

  1. Trop génial tout ça.

    Tu m'a donné faim avec ton poisson !!

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  2. et moi avec la pizza... enfin mon gratin de courgette doit être cuit.. et c'est pas mal non plus (après un tour dans la piscine)

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