Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

dimanche 20 novembre 2011

Récit au long cours

Coucou, me revoilà !
Et non, je ne suis pas retourné en Bolivie, mais la Bolivie m'a rattrapé récemment, et je me suis dit que j'allais vous en parler ! Bon, rattraper, c'est peut-être pas le mot le plus correct, vu qu'elle ne m'a jamais quitté, mais cette fois, j'en ai parlé sérieusement, pour de vrai, à des gens.

En fait, le huit novembre, j'ai donné un cours à Grenoble. Sur invitation d'une prof que j'avais eu, et qui m'avait motivé à partir pour Lyon, donc un peu la personne grâce à qui j'ai fait tout ça. J'ai donc pu intervenir face à un amphithéâtre géant, devant un parterre de presque vingt-cinq étudiants de troisième année de Licence. Des étudiants de presque mon âge donc, ou en tout cas, dans une classe que j'ai quitté il y a à peine deux ans.

C'était émouvant de revenir dans cette université où j'ai passé tellement de temps, seul, avec des amis, en cours, à camper, à visiter la nuit en cachette, à manger des sandwichs à la dinde, à lire, à glander en salle info, à bloquer... Cinq ans de ma vie mine de rien. Et là, je ne venais pas en touriste, mais bien pour parler de ma spécialité, de mon voyage et des données que j'ai pu ramener ! En plus j'ai pu voir des amis, mon ancien colloc, Franck que vous avez pu croiser dans les commentaires de ce blog, une copine dont le voyage au Canada est raconté sur un blog dont vous pouvez trouver le lien sur le côté et en super-bonus un copain zanarkandien, du forum que je fréquente depuis bientôt neuf ans (wah).

Bon, ce cours c'était quoi alors ? Et bien, d'abord j'ai présenté la linguistique de terrain, en explication que ça ressemblait un peu à de l'enquête policière. C'est un peu comme les Experts, vous voyez l'idée ? Ahah, et oui, j'suis partis là-dessus. C'était rigolo. Après ça, j'ai expliqué un peu mieux dans le détail en quoi avait consisté mon voyage, en détaillant les étapes et en présentant les Sirionos. Des choses que vous connaissez déjà un peu, mais de façon plus carrées et moins rigolotes. Tout ça m'a pris presque une heure, ce qui était juste ce que j'avais prévu. J'allais passer à la partie Travaux Pratiques pour les étudiants, histoire de les faire bosser, mais quand je les ai prévenu de ça, ça les a réveillés (il était 11h environ) et ils ont posés quelques questions, ce qui était très bien. J'ai pu préciser un ou deux trucs que j'avais oublié et voir qu'en fait, ça avait l'air de les intéresser. Ouf.

La deuxième partie était une étude de cas sur le pluriel en Siriono ! Et oui, un sujet que je maîtrisais bien, puisque je l'ai déjà un peu étudié l'an dernier et que j'avais donc quelques infos là-dessus. Je leur ai donc présenté un peu les concepts principaux, qu'ils avaient déjà vu dans un cours précédent, donc qu'ils étaient censés connaître, normalement. Ils ont pu les réutiliser ensuite donc ça a plutôt bien marché. En suite j'ai sortis le gros morceau, le truc intéressant que je voulais leur montrer : deux séries d'éléments pour exprimer la quantité, deux séries complétement différentes !

Normalement, ça n'arrive pas, puisque ça fait partie du système de la langue, de sa grammaire, et du coup, j'ai interrogé d'abord les étudiants sur les raisons qui pouvaient amené à cette dichotomie. Et ouf encore, ils ont proposé plein de choses ! J'comptais sur eux, parce que sinon, c'était un peu laborieux et pas très rigolo. La première chose qui vient à l'esprit est qu'il s'agit d'une variante dialectale, c'est à dire que c'est différent car parlé à un endroit différent. Et en effet, un des informateurs venait de Ngirai, l'autre d'Ibiato. Cependant, je vous en ai déjà parlé, les deux communautés ne sont pas vraiment très différentes, les gens de l'une venant de l'autre. Un autre facteur intéressant est l'âge des locuteurs, et il est effectivement différent. On peut regarder aussi leur sexe, identique, deux hommes, et leur métier, qui est assez différent. En fait, ces critères ne permettent pas vraiment de trancher. Plus intéressant est le fait que le père de l'un des deux informateurs est d'une autre ethnie ! Sa version de la langue pourrait alors être influencée par celle que parlait son père.

Mais tout ça, c'est du sociolinguistique, et ça ne suffit pas, donc on plonge dans la linguistique et on regarde dans le détail. Et pour ça, on regarde deux choses : d'autres systèmes de la langue et les autres langues proches. Un autre système rigolo est celui des numéros (1, 2, 3,...) qui est différent d'un locuteur à l'autre. Ca a beaucoup étonné les étudiants quand je leur ai expliqué que c'est parce qu'antan il n'existait que les numéros pour "un" et "plus de un", les autres étant des inventions individuelles nées des sollicitations extérieures, d'une sorte de frustration de trouver sa langue inférieure à celle de l'autre. Inventions ? Oui oui, on peut utiliser ce mot, bien qu'en linguistique on préfère celui d'innovation, moins connoté négativement.

On a regardé ensuite les pronoms personnels, pour en retrouver un qui est aussi dans les numéros et ensuite les autres langues de la famille, dans le passé (on parle de diachronie) et dans le présent (synchronie). Le tout nous a permis de conclure que la version de Mario ressemble davantage à celle des autres langues et utilise des éléments qui paraissent plus Siriono donc pourrait être plus conservatrice. Celle de Nataniel est en revanche plus innovante, avec probablement des emprunts au guarani.

Ce qui était intéressant, en guise de conclusion, est que la version la moins "pure" est celle qu'enseigne l'instituteur du village aux enfants, et donc la nouvelle norme de la langue. Celle-ci a donc évolué en faisant un soubresaut, dû à un nombre très faible de locuteurs, qui a systématisé un élément qui n'était pas utilisé du tout avant.

Ça a très bien marché. Mon exposé a duré juste le temps qu'il fallait et les étudiants ont semblé intéressé. Ils ont bien participé et la prof était contente de tout ça. Ce fut une très bonne expérience pour moi et j'espère que ça pourra se refaire à l'occasion. Et que j'serais pas trop stressé pour mon premier vrai cours qui aura peut-être lieu dans pas si longtemps ! Mais ça, nous le découvrirons ensemble !

Voilà voilà ! Ah, j'oubliais, comme j'ai fais une jolie présentation, vous pouvez y jeter un oeil et retrouver tout ça ici : Présentation !

J'espère vous revoir bientôt en vrai, et vous dit peut-être à un de ces jours pour un nouvel article sur ce journal de bord !

lundi 12 septembre 2011

L'argent

Voilà un nouvel article post-retour, pour parler d'un aspect de la Bolivie dont je n'avais pas encore parlé, la forme des billets ! J'espère qu'il attisera votre curiosité. N'hésitez pas à cliquer sur les images pour les agrandir !

La monnaie de la Bolivie est le boliviano mais les gens parlent plus communément de pesos. Quand il s'agit d'acheter quelque chose de cher, les gens utilisent aussi des dollars américains. Le taux de change actuel est d'environ 10 bolivianos pour 1 euros (en 2012, 9 bolivianos pour 1 euro), 7 bolivianos pour 1 dollars. Lorsque je tire des sous à la banque, ce sont des liasses de billets de 100, mais il existe aussi des billets de 200, assez rares. Les billets sont ensuite de 50, 20 et 10. Il y a des pièces pour 5, 2, 1, 1/2 et, beaucoup plus rarement, de 20 et 10 centimes. La plupart des gens ne trafiquent que peu avec les billets et il est toujours très compliqué d'obtenir le change. Il est rare que les gens disposent sur eux du change pour 100 bolivianos (10 euros donc) et si ils l'ont, ils refuseront d'abord d'échanger pour ne pas se retrouver eux aussi embêtés. Les commerçants s'en sortent, parfois en allant demander au voisin. Je ne suis pas au fait de la situation macro-économique du boliviano et laisserais les gens intéressés regarder par eux même. Pour ma part, j'compte plutôt vous présenter les billets et les trognes qui les ornent !

Avec une magnifique mise à jour le 8 décembre 2012, je peux commencer par le billet de 200 bolivianos, très rare ! Heureusement qu'un homme m'a demandé à changer ce billet contre deux de 100, sinon je crois que je ne l'aurais jamais vu !
 L'homme qui l'orne est un politicien et poète bolivien très célèbre, Franz Tamayo. Ce qu'en dit Wikipédia c'était un poète plutôt classique et un politicien controversé.
Le verso représente des sculptures fameuses de la culture Tiahuanacota, pré-inca, qui sont proche du lac Titicaca, dans les montagnes donc. Elles seraient consacrées à une divinité solaire, avec un bâton, c'est à peu près tout ce qu'on sait là-dessus.



Et voici donc le billet de 100 bolivianos, il est rouge et paraît un peu Monopoly au premier abord. La rosace centrale fait très vitrail je trouve, et l'homme a une belle moustache. J'en connais qui pourraient s'en faire un avatar sur internet. Ce moustachu est Gabriel René Moreno, historien littéraire qui donna aussi son nom à l'Université de Santa Cruz.

Au verso vous retrouvez la somme à gauche, surmontant un bouquet de courbe assez réussi, je trouve. L'édifice central est celui de l'Université San Francisco Xavier, située à Sucre (capitale constitutionnelle de la Bolivie). Elle a été fondée en 1624, ce qui en fait une des plus vieille d'Amérique, c'est fou ça.

Sur le billet de 50, on voit mieux les armoiries de la Bolivie, au centre, avec des fanions et un oiseau aux ailes ouvertes entourant un paysage stylisé avec une montagne et un soleil. L'homme au beau chapeau est Melchor Perez de Holguin, peintre baroque pour les églises de Potosi, au début du XVIIIe siècle.

Au verso l'édifice est la Torre de la Compañia, un couvent célèbre de Potosí, bâti au XVIIIe siècle. A cette époque, la ville de Potosí était une des plus riche au monde, avec une population similaire à celle de Londres ou Paris, grâce à son immense mine d'argent ! Tellement célèbre que l'équivalent espagnol à l'expression "c'est pas le Pérou" est "no es Potosi" !

Le sérieux de 20 est assuré par Pantaleón Dalence, considéré comme le père de la Justice bolivienne.

Au verso c'est la Casa Dorada de Tarija qui nous présente ses colonnes ! Cette Maison d'or a été construite par un riche marchand au début du vingtième siècle, pour y vendre des produits français. C'est maintenant la Maison de la Culture, dépendante de l'Université de Tarija, ville du sud du pays.

Le dernier bonhomme, qui nous regarde de travers est Cecilio Guzmán de Rojas. C'est un peintre paysagiste indigène du début du vingtième siècle. Vous pouvez voir une de ces œuvres ici.

Et on finis sur une scène immense au décor très détaillé nous présentant les Heroinas de la Coronilla. Il s'agit d'un épisode de la guerre d'indépendance de la Bolivie. Ce sont principalement les femmes de Cochabamba qui vainquirent les troupes espagnols, libérant la ville.

J'espère que tout ça vous aura intéressé, malgré que je sois passé vite sur chacun ! Si vous voulez voir encore plus de billets, vous pouvez jeter un oeil sur banknotes.com.

mercredi 7 septembre 2011

Départ de Bolivie et de gâteau

Je comptais vous proposer cet article plus tôt, mais voilà, j'ai été très occupé ces derniers jours, et malade aussi. Je rédige donc cet article dans l'aéroport de Sao Paulo, ou j'ai plusieurs heures à attendre. Et malgré mon mal de ventre terrible, je voulais vous proposer une nouvelle image des gâteaux boliviens !
Des gâteaux !

Le premier départ à été celui des villages sirionos, où je suis retourné pour dire au revoir. C'était très étrange à Ibiato. J'voulais y aller en début de journée et j'suis arrivé vers 17h finalement, car personne d'autre ne voulait y aller avant. J'ai trouvé une horde de gamins chez mon hôte, scotchés à la télévision, j'ai donc fuit vers la maison de Jorge, l'ingénieur informaticien du village. J'ai pu y graver plein de copie de mon travail, pour ensuite les donner à diverses personnes du village. J'suis allé revoir le prof avec qui j'avais beaucoup bossé le lendemain matin, avant qu'il ne parte à l'école, et il ne m'a presque rien dit...mon hôte n'a pas été très affectée non plus, davantage préoccupée par la situation de son mari, à la marche indigène sans le sous. Il me rappellera d'ailleurs plusieurs fois jusqu'à mon départ pour me demander de lui faire parvenir de l'argent, ce que je ne ferais pas. Du coup, pour le côté déchirant des séparations, c'est pas trop ça.
La maison, qui s'éloigne !

Je suis partis à Ngirai le lendemain en début d'après midi, après avoir conclu un arrangement compliqué afin d'obtenir une copie du film fait dans le village, dans lequel il y a des bouts de siriono (la langue, les gens y sont entier, pas en bouts). L'accueil fut plus chaleureux, bien que là aussi mon hôte ne soit pas là. J'suis allé voir l'homme qui m'avait raconté plein d'histoire mais il n'était pas là. J'ai vu sa femme qui m'aime bien, je crois, et un ami de passage. C'était l'homme qui m'avait accueilli sèchement la première fois que j'étais venu dans le village. Il avait été absent depuis mais il a très envie de m'aider, me demander de faire pour le village exactement ce que je prévois de faire. Je suis ensuite allé voir la femme du corregidor. Lui n'était pas là, encore une fois, mais j'suis resté un petit moment, c'était sympathique. Elle m'a fait goûter une sorte de miel que je ne connaissais pas encore. Une parmi les quinze que connaissent les Sirionos !

Avant de partir du village avec le professeur qui habite en ville, j'ai revu Mario, celui que j'avais cherché en début d'après midi. Il m'a semblé un peu triste que je parte, mais il m'a réclamé de l'argent alors ça gâche un peu l’honnêteté du geste. J'aurais presque préféré ne pas le croiser et uniquement imaginer sa réaction à la découverte des documents que je leur ai donné : une première liste de cinq cents mots en siriono, deux cds avec les enregistrements et un dvd avec tout dessus.
Presque fin du monde à Ngirai

Les deux villages étaient plongés dans un nuage de fumée qui rendait l'air surréaliste. J'ai d'abord cru que le monde était en déclin, pour marquer la fin de mon aventure en Bolivie, mais ce n'étaient en fait que les champs qui brûlaient. Certains volontairement, pour faire de la culture sur brûlis, d'autres par accident ou propagation non maîtrisée. Une région immense de la Bolivie fut plongée dans la fumée pendant plusieurs jours, et le journal annonçait hier que le pire était à venir.
Ngirai, dans la tourmente

De retour à Trinidad les gens pleuraient donc, de l'air incisif ou de mon départ, je ne sais pas. J'ai profité de mon ultime journée pour faire quelques courses et me reposer un peu. En fait, je n'avais vraiment pas envie de prendre le bus de nuit pour Santa Cruz, tant je craignais de ne rien comprendre à la gare et d'être malade tout du long. Car oui, j'étais déjà un peu malade ce jour là, et ça ne m'a pas lâché depuis. L'achat du ticket et mon départ en bus furent finalement tout simple et pour 8 euros j'ai passé une nuit au sommeil agité sur les routes enfumées de Bolivie.
La foi, c'est moi !

Je passe sur mes trois jours à Santa Cruz qui feront l'objet d'un article à part, car c'est rigolo. Je note juste que j'ai très peu dormis, me réveillant hier et ce matin vers 4h du mat pour aller aux toilettes, rendant même mon ultime souper ce matin...Je me suis donc passé de petit déj pour mon dernier matin à la résidence Bolivar. J'ai fais mon sac le soir avant mon départ et j'ai échangé mon contact Facebook avec une des filles de l'hôtel, qui est très sympathique, même si je comprends pas grand chose quand elle me parle. Elle adore le collègue de boulot qui m'avait accueillis il y a deux mois et il a pas Facebook, donc elle était contente car je pourrais lui donner des nouvelles et la prévenir quand nous reviendrons. 


Non, ce n'est pas l'avion que j'ai pris
J'ai ensuite pris un taxi pour l'aéroport et remplis toute les formalités comme un pro. J'ai cru que j'allais vomir dans l'avion mais j'ai finalement supporté le trajet sans trop de douleur et je suis donc à une nouvelle étape intermédiaire de ce départ qui n'en fini pas ! J'aurais donc quitté successivement Ibiato, Ngirai, Trinidad, Santa Cruz et la Bolivie, Sao Paulo et Madrid, pour arriver à 13h à Lyon, enfin !
Il ressemblait plus à ça !

Je suis content de rentrer, mais en même temps un peu triste de quitter ce pays dont je n'ai presque rien vu. Je suis tranquille du côté du travail, ayant suffisamment de données et étant quasiment assuré de revenir dans de bonnes conditions l'année prochaine. Je n'ai pas vu le temps passer, comme la légende le veut, et je vais retrouver un rythme de vie que j'ai l'impression d'avoir abandonné hier, ou la semaine dernière. Ce sont pourtant 72 jours qui sont passés, et de l'eau a coulé sous les pompons. Je n'ai pas encore le recul suffisant pour me rendre compte de ce qui a changé dans ma tête et dans ma vision du monde, mais je suis convaincu que mon imaginaire est plus vaste aujourd'hui qu'hier. J'espère que le vôtre aussi, par ces différents récits et histoires que je vous ai raconté tout le long de mon voyage. Mais ce n'est pas un adieu à ce blog, j'ai encore au moins trois articles à vous proposer, que j'égrainerais ces prochaines semaines, avant...une éventuelle surprise ?

En attendant la suite, youpi, je suis en France !

vendredi 2 septembre 2011

Dérive partie 2 : Puerto Ballivián

Cet article fait suite à la visite du cimetière et se déroule le même jour.

J'étais donc dans le cimetière de Trinidad, à discuter avec Patricia, l'artiste allemande. Je lui fais part de ma connaissance inouïe de la ville, et du fait que je suis déjà venu dans ce quartier une fois. Je lui propose donc d'aller au centre artisanal qui se trouve tout proche. Il s'agit d'un centre de production et de vente de produits plus ou moins traditionnels ou naturels faits par les Moxos, une ethnie vaste dont j'avais déjà évoqué le nom dans un précédent article. Par le passé, les Sirionos fabriquaient le même type d'objets mais ils ont arrêtés depuis environ six ans, parce qu'ils ont perdus le numéro du compte en banque, si j'ai bien compris. C'est bien dommage car ils ont des dizaines de sortes de graines et pépins colorés qui font de magnifiques colliers et bracelets.
J'adore la tête de cette statuette. Il font des masques trop cool avec cette tête là !
Bon, il y a aussi des choses moins bien, comme les crocodiles empaillés avec leur petit poisson et les colliers avec des dents de tigres mais dans l'ensemble c'est vraiment chouette. On y arrive alors qu'une camionnette décharge un coffre en bois magnifique. L'homme du magasin nous dit alors qu'ils viennent d'une féria. Je traduis pour ma collègue et ça lui dit d'aller voir. Je lui demande où c'est et il me donne un nom que je ne connais pas. On va siffler une moto-taxi et je répète le nom. On attends même pas un quart de seconde avant que n'arrive une autre moto-taxi et on part chacun sur une moto.

Ce n'est qu'après quelques rues que j'ai capté que dans Puerto Ballivian il y avait le mot Puerto donc Port, et que c'était donc forcément hors de la ville. Mais après tout, nous étions déjà en chemin et Patricia venait de me dire qu'elle avait pas le sentiment d'être aussi loin de chez elle que ça. Sa moto fut plus rapide que la mienne et elle me perdit de vue. Elle me dira après qu'elle a eu un peu peur, ne sachant pas du tout où nous allions. On fait environ huit kilomètres et le taxi nous demande 15bol (1,5 euros), ce qui me semble un prix normal pour ce genre de course, pas grossi parce qu'on est des touristes, ils ne font pas ça ici. Enfin, de toute façon, on est trop occupés à admirer le paysage pour imaginer protester.

Coucher de soleil.

Le fleuve est très bas en cette période de l'année mais encore assez large et le soleil se reflète à sa surface d'une manière incroyable. Sur ses berges se baignent quelques personnes, dans une eau rendue magnifique par le soleil couchant. La féria est en fait en train de se terminer et les gens commencent à ranger les stands et à boire des bières autour d'une maison circulaire. De toute façon, c'est pas ça qui nous intéresse, c'est ce paysage complètement absurde. J'ai l'impression soudaine d'avoir changé de pays et d'être en Asie ! Une impression renforcée par les rangées de petites embarcations le long des berges.

Un autre bateau attire mon attention, une sorte de bicoque flottante, verte et blanche, qui semble provenir d'un autre temps, où être hors du temps. Elle semble vraiment faite pour les excursions touristiques alors que le reste du village, et la fiesta dans son ensemble sont très populaires. En marchant pour nous éloigner de la foule on est dépassé par un pick-up dans lequel un type m'interpelle pour me demander quand est-ce que je retournerais à Ibiato. Je ne le reconnais pas mais suis touché que lui me reconnaisse. On marche un bout de temps puis on fait demi-tour. C'est vraiment un petit village et la nuit commence à tomber.


Les rangées de petites barques très asiatiques
On revient vers la foule, qui est partie entre temps. Il ne reste en effet plus grand monde et on a le choix à ce moment là de suivre le mouvement et d'abandonner ce lieu ou d'y rester un peu plus, de poursuivre la dérive. On choisis la seconde option, et on va s'installer à une table dans un restaurant. Je détaille la carte à Patricia en lui expliquant que le surubi est un poisson d'eau douce de la région, assez fameux paraît-il. Encensé par le Routard en tout cas. Elle a bien envie de goûter et on commande donc deux assiettes. Je lui avais parlé la veille du vin blanc local à 40° qui s'appelle Singani et elle est curieuse de goûter aussi. On en commande donc une bouteille, tant qu'on y est. On se la joue presque riches en commandant cette bouteille à 4 euros et des plats assez onéreux pour les gens du coin.

Il y a peu de gens dans ce restaurant et le village est quasiment désert. A une autre table une famille chante avec une guitare, sans que l'on ne comprenne pourquoi. Après à peine trois chansons ils partent et un type va alors choisir les chansons sur le jukebox, mettant des reprises d'Adamo en espagnol que l'allemande reconnaît et moi non. Le poisson arrive en même temps que le vin. Il a été préparé en chicharron, c'est à dire en beignet, panné. Je ne pense que ce n'est sûrement pas la meilleure façon de l'apprécier mais qu'importe, on a du vin. Celui-ci est d'une autre marque que celui que j'avais goûté mais son goût est tout aussi sympathique. C'est étonnant car c'est un peu comme de la tequila, sans que ça brûle la bouche. L'alcool ne nous monte pas trop à la tête grâce au poisson, dont nous ne pourrons manger que la moitié tant l'assiette est copieuse.

J'adore vraiment cette embarcation !
Une famille s'installe à la table d'à côté et ils commandent deux assiettes pour cinq. Un ivrogne arrive alors dans la rue et s'approche de nous en titubant, chantant de façon ridiculement amusante la chanson du jukebox. Il vient me parler, Patricia lui disant tout de suite qu'elle ne comprenait rien. Et pour le coup, moi non plus. Il semble me dire qu'il a faim et je lui propose la fin de l'assiette de Patricia, celle-ci confirmant qu'elle n'en veut plus. Il rechigne sans que je comprenne vraiment et le voisin intervient alors. Il demande à l'homme d'arrêter de nous importuner et l'accompagne vers une autre table. Il retourne ensuite chercher son assiette qu'il n'avait pas fini non plus et lui donne. Voilà un geste d'une humilité et d'une sympathie extrême qui m'a beaucoup ému.

La famille avait une fille d'une dizaine d'année ainsi qu'un bébé, dont cette dernière s'occupait beaucoup. Elle faisait des allers et venues pour l'endormir. Patricia la trouvait trop mignonne, avec la nuit derrière elle, et elle voulait faire une photo, mais ne savait pas comment lui demander. J'y suis donc allé, et elle a accepté. J'ai ensuite remercié la famille, leur disant qu'on les trouvait très sympathique, une bien belle famille. J'ai capté qu'ils discutaient de notre bouteille alors je leur ai proposé un verre, puisque de toute façon nous étions bien incapable de la finir. Le père a eu un peu de mal mais à sembler apprécier, sa femme un peu moins, mais je ne sais pas trop. La fille la plus âgée a voulu goûter ensuite, elle devait avoir 16-17 ans je dirais, et elle ne connaissais pas du tout, à la tête qu'elle fit en goûtant ! Sur proposition de Patricia, on finira par leur offrir la bouteille en partant.

Ils ne servent pas qu'à décorer en plus !
Un autre personnage marquant de cette soirée fut la tenancière de la brasserie-restaurant. Une vieille dame toute gentille qui nous a demandé d'où nous venions et qui nous a parlé un peu du village. Le fleuve s'appelle donc le Rio Ibare, ce qui signifie la rivière de l'or. Il n'y en a pas réellement dans celui-ci mais plusieurs fleuves de Bolivie en contiennent. C'est peut-être que celui-ci provient des mystérieuses cités d'or ?

Je lui demande comment repartir d'ici et elle m'informe qu'un homme va conduire sa fille à la ville un peu plus tard et que l'on pourra aller avec lui en voiture. Ce qui tombe bien, car la nuit en moto, c'est se transformer en appât mouvant pour moustiques. Bon, au restaurant, ça n'a pas manqué, il y en avait une nuée et on a été bouffé, comme ça m'est déjà arrivé plusieurs fois ici. Faut dire, on avait pas prévu le coup en partant en début d'après midi pour le cimetière !

Une toute petite église, qu'on pourrait confondre avec des toilettes publics
On retourne donc en ville pour rejoindre Swintha, qui cherchait à nous joindre depuis un moment. Elle est au restaurant où on peut manger la pizza cosmique hawaïenne à la papaye dont j'ai déjà parlé je crois. Qu'importe, j'vous mets une photo cette fois pour que vous ayez encore plus envie d'aller en Bolivie (ou de tenter cette pizza chez vous (si vous le faites, invitez moi)). On y retrouve un homme avec qui Swintha a écrit un livre sur la culture et la langue des Baurés. Je discute un peu avec lui pour lui demander ce qu'il fait et il me dit qu'il est professeur dans un collège mais qu'il veut ouvrir un musée sur l'histoire des Baurés, et qu'il est en train de rechercher les financements.

LA PIZZA TRANSCONDIMENTALE !!!
Je repense alors à une chose dont m'avait parlé Patricia. Outre ses études d'arts, elle participe à un projet d'archivage d'anciennes photos de familles. Je lui ai demandé alors si il pensait qu'elle pourrait faire ça ici. Et de fil en aiguille, de traduction en reformulation nous en sommes venus à conclure qu'ils pourraient arriver à un arrangement profitable aux deux ! Elle pourrait conserver les originales des photos en offrant aux familles des copies agrandies, faisant au passage une copie pour le musée. Et lui pourrait l'aider à approcher les familles, ainsi qu'à discuter avec les gens.

Et une dernière photo avec le soleil couchant et le chouette bateau
Une bonne conclusion pour cette journée qui commença par une visite du cimetière et se poursuivit par une expédition dans un autre monde, pour se terminer par des projets d'avenir et des rêves plein la tête. Je n'ai pas beaucoup avancé dans mon travail ce jour là mais j'ai progressé en va-et-vient rapide entre deux langues, fais des rencontres incroyables, expérimenté une dérive improvisée et découvert un nouveau pan de la Bolivie que j'espère pouvoir explorer plus en profondeur la prochaine fois ! Mais le voyage n'est pas fini, et j'ai encore d'autres article en préparation ! Le prochain sera probablement sur le départ, et je l'enverrais depuis Santa Cruz demain !

mercredi 31 août 2011

Dérive partie 1 : Cimetière de Trinidad

Je ne peux faire qu'un seul article pour la journée de dimanche et je vais donc vous en proposer deux, comme pour ma semaine à Ngirai, sauf que cette fois il n'est pas question de travail mais de tourisme et de ressentis. Mais je vais un peu vite et ne peut commencer ce récit le dimanche, je reviendrais donc à mon arrivée à Trini vendredi soir avant de vous expliquer le titre de cet article.
Aaaah, les colonnades vous manquaient, hein ?
Je quittais donc le village où j'avais eu tant de mal à entrer et ou j'avais enchaîné les changements de plans. Durant l'après midi avant mon départ je recevais un coup de fil, qui coupa au milieu faute de signal. Une fois dans la voiture je rappelle Swintha, lui annonçant que j'arrive bientôt. Elle me dit qu'elle va m'attendre pour sortir manger. Swintha est une linguiste allemande qui étudie une langue de Bolivie qui s'appelle bauré et qui est parlé au nord de ma zone, sans qu'il y ait jamais eu de contact entre les deux groupes, a priori. Elle a fini sa thèse en 2008 et elle a plus ou moins la quarantaine. Elle n'a pas du tout un look universitaire, arborant d'immenses dreadlock qui lui descendent jusqu'à la ceinture ainsi que plusieurs percings. Elle parle un peu français, mais on a plutôt échangé en espagnol. Elle venait en Bolivie quelques semaines pour chercher si il restait des locuteurs d'une langue dite disparue, le jora. Elle accompagnait également une amie à elle, étudiante en art. Les deux avaient monté un projet de livre illustré pour les enfants du village et allaient donc leur donner. Cette dernière ne parlait pas espagnol et je me suis remis à l'anglais avec difficulté.

Je passe sur la soirée de vendredi, la journée de samedi et la matinée de dimanche, qui furent très chouette, avec découverte d'un restaurant brésilien type Flunch mais en bien, avec assiette au poids, et travail studieux. Patricia, l'artiste, tente de m'expliquer son approche, que je ne comprends pas trop mais qui me semble proche de celle des situationnistes, et particulièrement de ce qu'ils nomment la dérive.

Une autre couleur de la ville
Une dérive diffère d'une promenade par son but. Il s'agit de marcher sans avoir un lieu pour objectif mais une recherche des sentiments que nous évoquent chaque lieux et des voies de circulation dans la ville. On peut arriver ainsi à dresser une sorte de carte psychogéographique du lieu visité, organisée par des unités d'ambiances et des plaques tournantes où se croisent les flux. Et lorsque Patricia m'a fait part de son envie de visiter le cimetière, je me suis dit que ce serait un excellent endroit où dériver.

Le gardien du lieu n'a pas l'air de cet avis
Nous nous y rendons vers 15h, en moto-taxi. Je reconnais un trajet que j'ai déjà fait et je situe un peu où nous sommes. L'entrée du cimetière est une immense porte en bois, entourée de colonnes sculptées en spirale. Nous entrons, entourés de gamin qui nous propose une visite. Près du porche se trouve une petite chapelle avec des gerbes de fleur. Comme vous le savez, je photographie les fleurs depuis que je suis en Bolivie, et cela me permet un premier constat : ce ne sont pas des imitations de fleurs locales. Encore plus que dans les cimetières français, se sont des symboles floraux, des illustrations de ce que sont les fleurs, mais ce ne sont pas des fleurs.

Les voilà, avec des colonnes et une vierge toute mimi
Je dérive ensuite seul dans le cimetière. Il est organisé en grandes zones mais au sein de chacune c'est de bric et de broc. Ce qui me fait réaliser à quel point nous vivons, en Europe, dans une société de l'unité et de l'uniformité. Ici, c'est le contraire, diversité des cultures et diversité des goûts sont clairement affichés. Il est impossible de trouver une rue d'une seule couleur, et c'est la même chose dans le cimetière. Il y a une variété impressionnante de tombes, et de monuments funéraires, mais j'arriverais à ceux-là plus tard. Ensemble est confus.
Oserais-je parler de pot-pourris pour décrire ce panachage ?
Le premier ressentis que me frappe est qu'il n'y a pas de volonté de quiétude. Chaque arbre est différent, certains croulants sous les fruits que viennent ramasser quelques personnes venant nettoyer la tombe d'une personne de leur famille. Les enfants jouent ou courent dans les allées sans que personne ne leur dise rien. L'idée de « reposer en paix » n'a pas été intégré par les boliviens, ni recherché par les européens ayant émigrés ici. Car ce n'est pas une coutume locale, entendons-nous bien, et je suis là dans un cimetière chrétiens.
Un cimetière bien végétal, dans certaines zones
Beaucoup de gens meurent seul, j'ai l'impression. Pas vraiment de service d'entretien, laissant voir des dizaines de tombes en friche, avec des herbes folles et ces croix de bois où sont écrits les dates de naissance et de mort. Je repense alors à l'exploration urbaine, au fait que la nature reprenne le dessus sur l'Homme. Ce n'est pas le cas ici, où l'Homme n'a pas cherché à dominer la nature, à la domestiquer.

Voir complètement dominé par la nature
J'arrive plus loin aux murs funéraires, comme il est de coutume dans plusieurs pays. L'impression d'être face à des HLM funèbres s'estompe face aux couleurs, qui forment un damier presque joyeux. Un écrit à même le mur indique que la couleur crème doit être utilisée pour les enfants. Certaines cases sont recouvertes d'une plaque en verre ou d'une grille pour protéger une icône religieuse et une photo de l'enfant, mais le plus souvent c'est très simple.

Choisis ta cage
Dans un coin du cimetière je rencontre un groupe de mausolées construits par des corporations : les pharmaciennes, une compagnie de taxi, les professeurs ruraux,...Il n'y en a pas beaucoup, mais le phénomène m'étonne. Je me dis qu'en Europe il pourrait tout aussi bien y avoir des cimetières pour routiers, pour ces gens qui existent socialement par leur métier plus que par leur famille. C'est aussi le cas des prof et docteur, dont le statut social est indiqué avant le nom.

Une des allées centrales
Il y a bien sûr des dizaines de caveaux construits par une famille, illustrant le fossé économique de la ville. Ils sont tous plus ou moins de la même taille mais tous de formes et de couleurs différentes. Je vais d'ailleurs terminer cette visite par une série de plusieurs édifices étonnants. Là encore, notons que le but n'est pas la tranquillité du défunt, mais de montrer la grandeur de la famille, quand bien même seule deux personnes y sont enterrées.

Oh, les belles colonnes grecques !
C'est d'ailleurs un constat global : ce cimetière est vide. Ou plutôt, il n'est pas plein, comme le sont les cimetières européens. Il y a encore beaucoup de place, tant du côté des pauvres que de celui des riches. Les murs de tombes ne sont donc pas choisis par manque de place mais plus vraisemblablement pour des raisons économiques. Une inscriptions sur l'un d'eux me fait penser aussi qu'il pourrait s'agir d'un service de la ville, pour ceux qui n'ont pas les moyens ou pour les gens qui meurent vraiment seuls, mais je n'en suis pas sûr.

J'ai beaucoup aimé ce modèle réduit
Ma dérive aurait pu s'achever là, sur ce cimetière immense, qui laisse une impression si étrange, mais ce ne fut pas le cas, comme vous le verrez dans le prochain article ! Il ne viendra par contre que vendredi, puisque je vais retourner aujourd'hui dans les villages donner des copies de mon travail et dire au revoir. La suite de la dérive m'a emmené dans un endroit bien différent mais encore plus dépaysant ! 






mardi 30 août 2011

Une semaine sous les griffes de l'Aigle

Cet article fait suite à celui qui raconte mon changement de village et sera consacré à ma semaine de travail à Ngirai, ainsi qu'à la présentation du village ! Je m'excuse pour la qualité des photos, que j'ai pris en fin de journée et qui ne rendent pas du tout comme c'est en réalité. Je vous en proposerais peut-être des meilleurs plus tard.

On dirait de la boue par terre mais pas du tout
Ngirai est le nom en siriono d'un village qui s'appelle Pata de Aguila, ou Patte d'Aigle en français. Il s'agissait à l'origine d'un lieu-dit. Lorsque les Sirionos chassaient l'aigle, ils avaient pour coutume d'accrocher les serres sur des piquets, formant une sorte de champ qui devait être assez impressionnant. Il n'en reste rien, et le lieu-dit n'est peut-être pas tout à fait là mais qu'importe, c'est le nom qu'a pris ce village lors de sa fondation, en 1999. C'est un jeune village, fondé par plusieurs familles Sirionos, avec d'autres qui sont venus ensuite agrandir le village. Politiquement c'est une partie de la commune de San Javier, mais je ne sais pas ce que ça change réellement. Je ne crois pas qu'ils payent d'impôts de toute façon.
 
Le terrain de foot central est encadré par une école qui compte sept professeurs et par la route qui part vers le nord, empruntée principalement par des camions transportant des troncs d'arbres énormes. Il y a un petit centre de santé et plusieurs rues qui témoignent d'une volonté d'expansion et d'un urbanisme basé sur le modèle colonial. Je veux dire par là que l'ajout d'une rue signifie pour eux l'agrandissement de la ville, même si il n'y a aucune nouvelle maison et qu'ils ne se déplacent quasiment qu'à pied. Les rues font bien, donc, mais ne structurent pas le ville, qui est plus ou moins structuré selon les familles. De même qu'à Ibiato, pas de centre social, si ce n'est l'école. C'est peut-être un village plus individualiste, les maisons étant assez éloignées les unes des autres. Il n'y a pas l'électricité mais depuis peu il y a de l'eau potable. Un forage et de nombreuses canalisations permettent d'obtenir de l'eau à divers endroits du village. Une sorte de bain public est en construction, pour améliorer l'hygiène dans le village. Si j'ai bien compris, l'idée est de faire plusieurs douches et une grande citerne. Un projet avec un entrepreneur de culture de canne à sucre devrait permettre d'amener l'électricité et de proposer du travail aux gens du village.


Le futur chateau d'eau

Actuellement, ils sont très pauvres et la plupart partent travailler à la journée dans des élevages voisins, pour une cinquantaine de bol (5 euros). Plusieurs travaillent aussi dans une communauté mennonite plus au nord. Les mennonites sont un peu comme les amiches en moins rigolo, et je ne vais pas digresser davantage sur le sujet, vous renvoyant vers la page de Wikipédia, si ça vous intéresse.

Je sortais donc de la réunion du village où j'ai présenté mon projet. Un homme d'une soixantaine d'années, peut-être un peu plus, me propose de l'accompagner jusqu'à sa maison, car il veut me parler. J'y vais et rencontre sa femme, qui ne parle aux enfants qu'en siriono ! Nouveau décalage par rapport à Ibiato : ici la langue se parle dans les familles ! Lui s'appelle Mario et elle Mery. Il me parle en siriono, me racontant diverses histoires passées, principalement sur la vie du missionnaire Juan Anderson, venu fonder Ibiato. Ce soir là, et le lendemain, il s'échinera à me faire une hagiographie complète de ce saint homme qui amena la civilisation aux Sirionos. C'est oublier un peu vite qu'il a fait du village un camp de travail, envoyés les enfants dans une école hors du village où leur langue était interdite et contribué à la déculturation progressive des Sirionos. J'ai l'impression que la croyance religieuse amène à la construction de martyrs, transforme forcément le statut du prêtre en celui de messie, chacune de ses souffrances étant vues comme des sacrifices faits en l'honneur du village.
Une autre vue de l'école du village

Enfin bon, ça reste des textes en siriono et c'est donc intéressant pour moi, d'un point de vue linguistique. Il me propose de retravailler avec moi le lendemain, mais me dit qu'il doit nourrir sa famille et que ça l'arrangerait bien que je lui dédommage sa journée de travail au champ. J'accepte et on se retrouve donc le lendemain matin. Il m'accompagne cette fois pour rencontrer deux petites mamies qui sont les deux dernières locutrices monolingues ! C'est à dire qu'elles ne parlent pas espagnol et que les gens ne communiquent avec elles qu'en siriono ! Je pense qu'elles sont un des moteurs de la conservation de la langue dans le village, et c'est avec joie que je pu les rencontrer ! J'ai pu enregistrer plusieurs paroles d'elles, encadrées par celles de Mario, qui dirigeait les récits sur la vie du saint Juanito, donc.

La matinée se termine bien, même si je suis complètement épuisé. Je retrouve Mario après le repas et il me propose de nous installer au centre de santé, celui-ci étant clôt et donc protégé du vent qui souffle assez fort ce jour là. On y va et je vois en arrivant un panneau solaire, et à l'intérieur une prise. Je me dis que ça pourrait être pas mal d'utiliser mon enregistreur avec ça, pour éviter de gaspiller des centaines de piles. Je demande à la docteur, puis j'essaye sans succès. Arrive alors un homme qui vient chercher un médicament. Il se dit électricien et il tente lui aussi de brancher ma machine. Rien n'y fait, même avec une rallonge. Il me dit que c'est que le voltage est trop faible, mais que ça pourrait marche en branchant les câbles sur les bornes où se placent les piles. Je suis un peu dubitatif mais il me dit qu'il l'a déjà fait et que ça marche sans problème. Il tente, sans succès. J'abandonne l'idée d'utiliser le courant et remets les piles. Et...ça ne s'allume pas. Avec sa manip, le type a grillé la machine. Voilà qui est fort ennuyeux, un peu comme de casser sa pioche sur la première pépite d'or trouvée. Je me retrouve avec un informateur tout disponible pour enregistrer pleins de mots mais sans ma machine.

La docteure fait preuve d'un super-positivisme contagieux qui me fait relativiser le problème. Après tout, suffit d'aller faire un tour à Trini pour en acheter un autre ou voir si c'est pas réparable. Je ne suis pas très chaud pour en acheter un autre, les enregistreurs numériques de cette qualité, ça doit pas se trouver ici. La réparation ici, j'y crois pas trop non plus. Et puis...je n'ai plus qu'une semaine devant moi. Je retourne néanmoins à Trinidad, après à peine 24h dans le village.

La maison où j'ai dormis est de ce côté, allons y pour la visite !
J'écris à ma professeur pour lui raconter mon problème technique et je vérifie que mes données ne se soient pas effacées. Je n'ai rien perdu, heureusement, et la machine fonctionne encore avec le courant. Je me dis alors que c'est sûrement réparable, mais pas ici. En réfléchissant à tout ça, je trouve une solution de dépannage. Je récupère la carte mémoire flash de 4 gigas de l'enregistreur pour la mettre dans l'appareil photo que m'a prêté ma mère pour ce voyage et je passe en mode vidéo. La qualité audio est étonnamment plutôt correcte et je peux filmer presque une heure. Mais du coup, j'ai pris peu de photos, pour économiser la batterie.

Je retourne alors à Ngirai, et on est déjà mercredi 24. Je revois Mario et Mery, celle-ci me parlant d'un coup vingt minutes du passé, dans un récit entrecoupé de traductions en espagnol, mais dans un siriono qui m'apparaît assez correct. Elle maîtrise vraiment la langue, et traduit ses propos pour m'aider, ce qui sera bien pratique pour la suite. Je les revois le lendemain matin et la batterie au lithium de l'appareil photo nous lâche peu avant midi. Aucune envie de tenter de la recharger ici, j'vais pas fusiller une deuxième machine.


La maison, anciennement lieu de stockage de l'aide humanitaire, je crois
Retour à Ibiato donc ! Passage éclair ou j'en profite pour aller voir l'ingénieur informaticien du village. Oui, il y en a un, malgré qu'il n'y ait que 300 habitants. C'est le mari d'une fille du village, il vient de Santa Cruz et il pense pas rester longtemps vu le peu de travail qu'il a ici. Il est cependant très sympa, c'est lui qui m'avait passé de la musique. Il me passe cette fois un logiciel pour récupérer l'audio des vidéos et le fait sur celles que j'ai déjà capturé. Il me propose aussi de graver les disques de sauvegarde et de copie pour le village, ce qui est une bonne nouvelle, ça m'évitera de payer quelqu'un pour le faire à Trinidad. Je mange une tranche de pastèque et hop, retour à Ngirai.


Je retrouve Mario et Mery et commence à travailler ma liste de mots. Au moment d'enregistrer Mery a envie de me raconter une histoire, je la laisse faire. Dans celle-ci elle me parle des chants matinaux traditionnels. Je saute sur l'occasion pour lui demander si je ne pourrais pas en enregistrer quelques uns le lendemain matin, avec les deux petites mamies de l'autre jour. Elle me propose de m'accompagner, et de me montrer aussi la danse traditionnelle. Mario pour sa part me propose de m'accompagner à Trinidad le weekend pour m'aider à traduire, et enregistrer plein de mots.

C'est un arrangement qui me plaît bien. Un peu cher, puisque j'aurais à payer la nuitée et les repas pour deux personnes, ainsi qu'à subir la parole divine pendant deux jours, mais ça pourrait me permettre d'avancer énormément dans mon travail, et d'avoir l'assurance de la faisabilité d'une étude plus approfondie de la langue ! On se donne alors rendez-vous le lendemain matin et je retourne chez mes hôtes. Je les attends quelques minutes et ils reviennent chargés d'un énorme sac de fruits. Il s'agit de tamarindo, un fruit à coque qu'ils cassent puis vendent ensuite en ville. Ce sera leur occupation pour les deux prochains mois. J'ai aidé un peu le lendemain matin, en attendant Mario. C'est assez rigolo. C'est poisseux, ça pègue comme on dit dans le sud, mais l'odeur est agréable, et ça ne laisse absolument aucune trace sur les doigts, contrairement aux noix. Ils s'en servent pour faire des boissons rafraîchissantes ou de la glace pilée. Le goût se rapproche un peu de l'amande.

La salle principale, sans réellement de meubles, avec un feu dans un coin
Mario arrive vers 10h, après une heure de cassage de tamarindo. Il vient m'annoncer qu'il ne pourra pas m'accompagner car la fille de sa fille vient de mourir et qu'il est donc en deuil. Il est vraiment peiné mais me dit qu'il pourra lundi ou mardi. Il repart et je reste un peu désemparé. J'ai déjà demandé au prof du village qui habite en ville de faire le trajet avec lui et du coup, ça clash (Should I Stay Or Should I Go). Je réfléchis tout en continuant à casser des fruits, l'heure de midi arrivant assez vite. C'est fou comme on peut se faire à un travail à la chaîne quand on sait qu'il est utile et qu'on a des choses en tête. J'ai pas repris dans l'après midi cependant.

Lors de la réunion, plusieurs personnes avaient dit qu'elles voulaient me parler et je ne voulais pas quitter le village sans les avoir vu. Qui plus est, mon appareil photo était rechargé à bloc, autant qu'il servent avant mon retour en ville. Je vais voir une première femme qui me dit qu'elle est un peu malade, mais qu'elle a envie de m'aider. Mario m'a prévenu qu'elle n'est pas très bonne locutrice, malgré sa motivation. Je discute avec elle un petit moment et lui dit que je suis très content de savoir que je pourrais compter sur elle l'année prochaine. Elle est très contente de savoir que je vais faire une étude de sa langue.

Je vais ensuite dans la maison du corregidor du village, qui est une sorte de représentant de la police, plus ou moins. Il est absent mais sa femme est très contente de me recevoir. Elle envoie un de ses enfants chercher la mère de son mari et celle-ci est enthousiasmée par mon projet. Elle me raconte plusieurs anecdotes, plus courtes mais assez riches au niveau vocabulaire. Elles me donnent plein de mot, aussi bien la mère que la fille. Et encore mieux, la mère me donne certains noms que seules les femmes utilisent ! Il y a donc bien en siriono une différence selon le sexe de la personne qui parle ! Elle ne se souvient que de deux mots de ce type, mais c'est déjà hyper intéressant pour moi ! Je note pas mal de chose mais n'enregistre pas de liste de mot. Je goûte aussi des œufs de cailles cuits, mélangé avec de la poudre de yuka, je crois. C'est très étrange mais pas très très bon.


Et mon lit, c'est passionant, n'est-ce pas ? Observez quand même le magnifique alphabet ! 
Aussi bien la mère que la fille étaient déçues que je parte déjà, car c'est vraiment un passage éclair que j'aurais fait dans ce village. J'ai dit que je revenais la semaine suivante, pour donner une copie de tout ce que j'ai enregistré, mais je crois que je vais en profiter pour collecter encore quelques données ! Je suis resté une bonne partie de l'après midi avec elles, et tous les enfants qui tournaient autour, et tout le monde était content. Elles ne m'ont rien demandé, et quand je suis partis, la fille m'a dit de la prévenir de mon retour car elle voulait m'inviter pour un repas avec toute la famille !

Je suis du coup repartis un peu triste de ce village. Les rencontres que j'ai fait en une poignée de jour furent infiniment plus riches que celles d'un mois à Ibiato, et les gens étaient content de me voir, ce qui change tout ! Je vous parlais dans un autre article du fait qu'à Ibiato les gens parlent de moi comme du gringo. Ici, je n'ai quasiment pas entendu ce mot. Mery m'appelle akanindu, ce qui signifie le jeune en siriono, Mario m'appelle Mister et une des filles de mon hôte m'appelle tio, tonton. C'est d'ailleurs rigolo car c'est la première fois qu'on m'appelle comme ça, ma nièce m'appelant par mon prénom. J'espère donc pouvoir revenir dans ce village, et y travailler davantage de temps l'année prochaine !

J'espère ne pas vous avoir perdus avec la longueur de ces deux articles rapprochés (plus de 20 000 caractères quand même), et je vous en proposerais demain un autre plus touristique mais aussi plus grave ! hop jeu de mot et devinette, de quoi vais-je donc parler demain ? tatadam ! A vous de jouer !

lundi 29 août 2011

Réception et retour à l'envoyeur

Voilà une semaine sans article, et vous êtes en manque, n'est-ce pas ? Rassurez-vous, voilà de la lecture, et j'vais tâcher de rendre passionnante une semaine qui le fut, dans l'ensemble. Au menu : découverte d'un nouveau village, déconvenues, joies, déconvenues, nouvelles situations de travail. Comme c'est diablement long, je vous sépare ça en deux articles, celui-ci sur l'arrivée dans le village et l'autre sur mes rencontres et le village en lui-même !

C'est de ce côté, je crois, mais je ne vais pas y aller à pied.

Je vous ai donc relaté dans de précédents articles mon quotidien à Ibiato et comment se passait un peu mon travail. C'est que je prévoyais d'en partir, de ce village, à ce moment-là. Ce ne sera pas sans mal. Je repars de Trinidad le jeudi 18 août, dans un taxi bondé de Sirionos. Je ne crois pas avoir expliqué comment se déroulent les trajets entre la ville et le village alors allons-y rapidement. Il y a une compagnie de taxis spécialisée dans cette direction-là, avec une douzaine de chauffeurs qui desservent les premiers villages à l'Est de la ville. Le trajet coûte en général 15bol (1,5 euros) pour Casarabe, ville d'où part la route vers le territoire Siriono. Pour Ibiato c'est 20bol (2 euros) et Ngirai 25 (2,5 euros). Le trajet dure plus ou moins une heure et quart, en général dans un véhicule plein à ras-bord, parfois avec une personne allongée dans le coffre. Le taxi participe au ravitaillement et fait des détours pour déposer des colis un peu partout.

J'étais donc dans un taxi, dans l'espoir d'aller directement à Ngirai puisque j'avais tous mes sacs avec moi. Raté. A peine arrivé à Ibiato, le conducteur me demande de descendre. Je réplique énervé à mon hôte d'Ibiato que je veux aller à Ngirai et il demande vaguement au chauffeur, celui-ci refusant. Je descends donc et on attend une moto pour faire le trajet. Fernando, mon hôte, me propose de n'y aller que le lendemain, puisqu'il est déjà tard... J'ai passé une partie de l'après midi à attendre à la station de taxi qu'il vienne alors oui, il est tard. Je suis assez crevé et j'accepte son offre, sachant aussi qu'il ne sera pas là le lendemain et qu'il ne pourra pas m'accompagner. C'est qu'il a une façon d'expliquer mon projet peu convaincante en fait, puisqu'il ne l'a pas très bien compris je crois. Du coup, d'y aller sans lui me semble préférable.

Proche du village, construction d'une piscine olympique pour poissons.

On arrive au vendredi 19 août au matin. Je laisse du linge sale, sur proposition de mon hôte et prends une moto-taxi pour Ngirai. Le voyage coûte 15 bol et dure une vingtaine de minutes. J'arrive chez une dame qui ne s'attendait pas du tout à ma venue, ni à ma demande d'hébergement. Elle est désemparée, et pas contente que j'arrive seul. Elle me conduit chez un homme qui m'accueille en me disant « mais, je te connais pas ! ». Il m'explique qu'il m'a vu lors d'une réunion à Ibiato mais que l'on a pas été présenté. Je comprends alors que le président du territoire n'a pas du tout parlé de mon projet !

Il me dit qu'il n'est pas d'accord pour que j'aille de maison en maison parler de mon projet. Il veut que je le présente lors de la prochaine réunion du village. J'approuve, puisque ça peut m'éviter de présenter quinze fois mon projet, et ça me semble une façon de faire plus transparente et plus officielle. On va alors voir le président du village. Ce n'est pas un maire (alcalde) car Ngirai n'est qu'un hameau d'un autre village plus loin. Je réexplique mon projet et donne une copie de la lettre de présentation que m'a donnée ma co-directrice de recherche. Il est aussi professeur du village, et je ne sais pas si c'est pour ça mais en tout cas il comprend très bien de quoi je lui parle. Il m'annonce finalement que la prochaine réunion sera le lundi 22 août, et que je n'aurais qu'à revenir à cette date-là. Il pourra alors m'héberger sans problème.

Vision triste du village, jour de froid.

Je repars donc, à peine deux heures après être arrivé. J'hésite à aller à Ibiato ou à Trinidad, mais je me convainc de retourner au village. En fait, de discuter de la connaissance de mon projet m'a fait réaliser qu'à Ibiato, je n'avais pas présenté mon projet à la communauté et qu'il serait peut-être bon que je le fasse. Les réunions étant le samedi, autant en profiter pour faire ça. Je ne regrette cependant pas la façon dont ça s'est déroulé, puisque j'aurais bien été incapable de faire une présentation le jour de mon arrivée, ne bafouillant qu'à peine en espagnol.

J'en profite aussi pour revoir le professeur de l'école avec qui je travaillais et enregistrer une cinquantaine de mots. Je revois aussi un couple qui m'avait parlé de plusieurs choses et je tente de transcrire deux textes d'eux. Je me trouve limité par le fait qu'ils partent à Cochabamba pour le weekend. En fait, c'est un mal pour un bien car ils vont y présenter un film qui s'appelle Siriono, sur lequel j'aimerais travailler. Il raconte de façon un peu folklorique la vie dans le village dans les années 80 et les problèmes dûs à une éducation refusant la langue des enfants. Il y a des bouts en siriono dedans et j'espère pouvoir en ramener une bonne copie pour bosser dessus, puis pour vous le montrer aussi, parce qu'il y a plein de choses chouettes dedans. Et à Cochabamba il y a le directeur du projet, donc j'aurais peut-être un accord et une bonne copie du film...mais ça je verrais plus tard.

Je crois que je ne vous avais pas encore montré ce pont suspendu.

La réunion a finalement lieu le dimanche soir, suite à des problèmes d'organisation. Le mot d'ordre principal est la marche indigène (voir article précédent). Elle est partie depuis presque une semaine et les Siriono veulent s'y joindre par solidarité. C'était très intéressant comme discussion, et j'ai presque tout compris, puisque tous ne parlaient qu'en espagnol. Après deux heures environ, ils avaient une liste de 35 personnes motivées pour y aller et ils ont glissé vers un autre sujet, le temps d'appeler diverses personnes pour vérifier leur accord pour garder les enfants de ceux qui partaient.

Le président du territoire en a alors profité pour me laisser la parole, présentant avant ça mon projet d'une manière catastrophique. J'en ai eu du mal à reprendre et la fatigue n'aidant pas, je n'ai pas été très clair. J'étais un peu déçu, mais je sentais aussi que ce n'était pas l'ambiance. J'ai donc eu droit à un consentement mou du village pour que je puisse continuer à faire mon truc dans mon coin...ce qui est toujours mieux que rien.

Hop, l'espoir revient (et j'ai pas beaucoup de nouvelles photos)

Le lendemain, retour à Ngirai ! Youpi, Ibiato c'est fini...vive le changement ! Je reprends donc une moto et découvre ma nouvelle maison ! Je vais voir le professeur à l'école, qui me présente aux enfants. Il me dit qu'il va parler aux parents et que la réunion se fera dans l'après midi. J'en profite pour me reposer. Je découvre au repas que la maîtresse de maison, dont je n'ai pas retenu le prénom, n'aime pas trop la viande et cuisine donc plein de légumes. Joie joie joie, enfin de la verdure !

Je vais ensuite à la réunion, qui commence vers 15h, le temps que tout le monde arrive. Le président du village commence par lire la lettre de ma co-directrice de recherche, qui est assez magique, hein. Elle dit notamment que j'suis une personne géniale et un très bon étudiant, tout ça. Reprendre après ça est une joie et j'ajoute donc quelques mots. Une première personne prend alors la parole dans la salle pour dire qu'elle trouve ça intéressant, que ça lui fait plaisir qu'une personne s'intéresse à sa langue. Une autre approuve, disant que la langue est une partie de leur culture et qu'ils en sont fiers.

Le président du village ajoute des détails à mon projet, rajoutant que je suis étudiant donc que je ne viens pas apporter des sous mais seulement une aide sur la langue. L'ensemble est très bien accueilli et tout le monde est d'accord, voire enthousiaste. La réunion se poursuit sur la marche et plusieurs personnes s'expriment en siriono ! La situation est donc bien différente dans ce deuxième village ! Je sors de la réunion très satisfait, malgré que je sache qu'une quinzaine de Siriono vont partir le lendemain rejoindre la marche, ce qui fait presque cinquante en tout. Ce sont des personnes avec qui je ne pourrais pas parler cette année, mais en un sens, je suis assez impressionné qu'autant de gens soient motivés pour marcher durant une quarantaine de jours, dans une région pas franchement très accueillante, avec un fort dénivelé.

Une autre vue de Ngirai, avec une lumière vraiment pas top.

Mais nous voilà donc à Ngirai; où je découvre une situation nouvelle dans laquelle les gens ont envie de parler avec moi, veulent que je reste pour les aider et pour me raconter plein d'histoires. Une situation bien différente de celle d'Ibiato, mais que je vais détailler un peu dans un autre article, celui-ci étant déjà bien long ! Je conclurais donc cette entrée dans le village par un soupir de soulagement, ayant fait les choses correctement. Le temps perdu, qui m'empêchera finalement de visiter une autre partie du pays est aussi du temps gagné puisqu'aujourd'hui je suis bien plus tranquille quant à la faisabilité de mon projet, donc je pourrais revenir !

La suite, demain !