Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

dimanche 14 août 2011

Un jour sans fin

Voilà une nouvelle trilogie d'article avec un premier consacré à la vie quotidienne dans le village, un autre présentant mon travail (vous l'attendiez, hein) et un dernier sur la politique, la révolte et les mouvements sociaux, parce que ça fait du bien. Ne vous sentez pas obligés de tout lire, faite plutôt votre choix entre les trois thèmes proposés ! Pas beaucoup de nouvelles photos alors je vous propose une visite de la maison que j'ai habité !

Vue de face, soleil couchant
J'écris ce premier article depuis une chambre d'hôtel à Trinidad, où je me repose avant d'aller à l'autre village siriono. Et oui, j'ai terminé mon séjour de travail à Ibiato, car le temps est passé formidablement vite. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai eu du mal à vous raconter sur le vif mon travail de terrain. Mais attaquons la journée typique, en précisant qu'elle ne subissait souvent bien des variations !

Le matin commence tôt. Je me suis progressivement habitué aux cocoricos et aux passages de motos mais les enfants, chiens et autres animaux me réveillent toujours assez tôt. Il fait frais et parfois je peux voir un informateur avant qu'il ne parte travailler. Dans ces cas là, je me prépare et file dès le déjeuner pris. Celui-ci est souvent composé de café ou thé à la cannelle et de pain. Il faut dire que la maîtresse de maison fait du pain pour le vendre dans le village, deux pains pour un boliviano. Et son pain est bon. Disons qu'il vaut pas le pain de mon père ou celui que fait Diane mais il se défend. Quand elle n'en fait pas, il arrive qu'elle en achète et ils sont souvent bien moins bon. Parfois il y a du lait, mais il n'est pas donné, alors ce n'est pas très courant, et tant mieux car le lait non-pasteurisé est un défi pour l'estomac. Quand il n'y a pas de pain, il est courant que Gladys (la maîtresse de maison, lui ne cuisinant jamais) fasse des fritos, des galettes de farine baignées dans de l'huile de soja ou des empanadas, sorte de pâte feuilletée avec du fromage dedans. C'est pas mauvais mais terriblement gras.


La pièce à vivre

Un autre type de déjeuner est une sorte de soupe-bouillon de restes de viandes. J'sais pas trop ce qu'il y a à chaque fois et souvent je préfère ne pas demander pour ne pas être plus écœuré. Les enfants sont très content de chopper à pleine main les os pour arracher les morceaux de gras avec les dents. Certaines familles font aussi une sorte de bouillie de maïs assez sympathique qui s'appelle tujuré je crois. En ville on peut aussi acheter du payuré, de la pulpe de goyave ou de banane plantain arrosée de lait, mais ils n'en font pas dans le village.


L'autre partie de la pièce principale, avec l'ouverture vers ma chambre à droite

Une fois ce petit déjeuné pris, je traîne un peu et profite de l'absence des enfants pour me baigner, le coin extérieur destiné à cet usage n'étant pas fermé et proche d'un coin où jouent les enfants. Après je travaille ou lis. J'ai pris avec moi la Comédie de Dante, dont j'ai beaucoup apprécié les deux premières parties. La troisième par contre m'absorbe moins, avec les présentations des ordres religieux. J'ai pas mal de documents de linguistiques, dont de nombreuses thèses de langues proches de celle que j'étudie. Je peux donc me plonger dedans pour voir ce qu'il est dit de problème que je rencontre. Un troisième type de lecture est celui de brochures que j'ai piqué sur infokiosque.net. Il m'arrive d'écrire aussi, des articles pour ce blog, des courriels à des amis que je n'ai pas vu depuis un bail ou des histoires. J'écris une sorte de fiction dans un univers construit par des amis, avec de la magie et de la haute-technologie. A l'origine c'était un jeu d'écriture collectif et un des membres s'est pris d'envie de réécrire le début pour le rendre plus digeste et plus cohérent. C'est un des liens dans le menu à droite, ça s'appelle Ordo Xenos. C'est très long et très bien. Je connais l'auteur pour l'avoir vu à Grenoble il y a...pfiou...trois ans ! Et donc, j'écris une histoire qui se passe dans le même monde, sans interférer avec l'histoire principale, un peu comme s'écrivent des volées d'histoires dans l'univers de Star Wars, à plus petite échelle. Si ça vous branche, j'peux vous envoyer ça un de ces jours.
La cuisine, en bleu le bidon qui accueille l'eau de la citerne, que vont chercher les enfants

Arrive tranquillement le milieu de la journée et un nouvel approvisionnement de gras. J'ai déjà remplis des dizaines d'octets avec la consommation de viande et ne m'étendrais donc pas davantage là dessus. Des légumes je vais parler par contre. Il se trouve que j'ai appris quelque chose depuis l'autre jour, et je vous en fait donc part. Le gouvernement vient de passer une nouvelle loi qui oblige chaque école à produire, et donc à enseigner aux enfants le travail de la terre. Chaque école doit donc se doter d'un ingénieur agricole et chaque bambin d'une pioche ou d'un râteau. C'est en train de se mettre en place et toute la semaine j'ai vu les enfants aller au champ un peu désœuvrés. Je trouve ça très positif. D'une part ça donne une perspective de transmission de connaissance pour les jeunes du village qui font des études d'agricultures, et ils sont nombreux. D'autre part, ça amène les enfants à découvrir les légumes et peut, sur le long terme, rendre les légumes tout aussi facilement accessible que la viande. Et là, les gens se mettront peut-être à en manger. Mais je suis peut-être trop optimiste sur cet aspect. Actuellement, peu de gens en mangent, et les enfants refusent tout, même parfois les patates, préférant se contenter de riz et de viande.

Mais passons à l'après midi, ou je peux assez souvent travailler, malgré la chaleur étouffante. Je me rends parfois chez les gens ou plus souvent dans la cour de l'école, qui est relativement calme, malgré qu'une prof y habite avec sa famille. Si je ne travaille pas à l'extérieur, j'essaye d'occuper ma journée en traitant mes données et en jouant au go. J'ai pris avec moi un petit logiciel qui s'appelle igowin et qui simule le jeu de go sur un terrain réduis à 9x9. Je m'améliore, petit à petit, réussissant aujourd'hui à battre couramment l'ordinateur même lorsqu'il commence. J'en suis à 537 parties, c'est fou ça !

Coin gauche de la cuisine, avec une sortie et un passage pour les canards


Le soir tombe assez tôt en cette période de l'année, et les moustiques viennent en meutes. Je me réfugie donc assez tôt sous la moustiquaire de mon lit. Souvent les voisins regardent la télé très fort ou écoutent de la musique. Depuis que mes hôtes ont achetés une télé, les mioches sont scotchés sur une version espagnole de Plus belle la vie, qu'ils regardent en boucle. Faut dire qu'il n'y a pas d'antenne et pas des centaines de dvd piratés. Je survis en écoutant de la musique, et je me dois de remercier le voisin, qui m'a passé plein de musique sympathique, dont des "classiques" des années 80, Abba, Chicago, Bee Gees, Village People,...ça change des ritournelles latino qui tournent en boucle ici. Mon kit de survie musical est là pour les moments les plus difficiles, je vous l'ai d'ailleurs détaillé sur une page spéciale (mais vous pouvez commenter ici) !

Le repas du soir est souvent très simple, proche du petit déjeuner, souvent seulement du pain et du café. Même les enfants boivent du café le soir, mais il doit être moins fort que celui que l'on a en France puisqu'il n'empêche pas trop de dormir. Dès qu'une personne n'a plus envie de manger elle se lève et dit provecho, gracias puis se barre sans demander son reste. Pour ma part, je reste souvent un peu pour profiter de la fraîcheur nocturne et discuter avec mes hôtes. Après quoi je retourne sous ma moustiquaire pour travailler à nouveau ou lire. J'essaye de me coucher assez tôt, sachant ce qui m'attends le lendemain matin.
La chambre des parents, qui sert aussi de coin rangement

Dans l'ensemble, le rythme est assez tranquille, mais il y a toujours du bruit, et des vas-et-vient de motos. C'est une ambiance qui n'empêche pas le travail mais ne le favorise pas non plus, les gens allant et venant, partant chasser, pêcher, chercher du bois pour le feu ou descendant en ville pour quelques jours. Mais je glisse déjà vers le sujet d'un autre article ! Pour celui-ci je vais m'arrêter là ! J'espère vos journées plus variées et enthousiasmantes que les miennes !

3 commentaires:

  1. Très agréable à lire, encore une fois ;p

    Bon c'est vrai que la viande c'est la vie, mais à force ça doit vraiment manquer les légumes !!
    ça leur fera pas de mal de s'y mettre.

    Moi je la veux bien ton histoire au fait !!

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  2. et ben enfin un texte qui explique un peu ta vie ca me manquait et je suis bien contente d avoir pu te lire en Suede....tes trois articles sont une fois de plus tres interessants et ta vie a l air toujours passionnante... j espere que ca continue dans le deuxieme village et que tu peux travailler a fond les manettes
    bises et donne nous des nouvelles persos please...

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  3. Je rebondis sur le jeu de go, la lecture, le kit de survie musical... Tu me diras si c,est pareil pour toi mais moi j'en avais vraiment besoin de tout ca, de toutes ces choses qui te rappellent ton chez toi et forment une sorte de cocon protecteur dans ce nouveau monde, remplie de découvertes ou l'on a parfois besoin de se retrouver... Juste soi. je me souviens au début j'oubliais totalement que j'étais loin rien qu'en lisant un livre ! A très vite Noé !! Bisous

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