Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

samedi 5 octobre 2013

Trajet de retour

Je commence ce message dans un avion, survolant le sud de la France, bientôt rentré chez moi. Enfin chez moi, c'est une expression que je ne peux pas vraiment employer, n'en ayant pas vraiment. La chambre que je partageais avec ma compagne ne me convient plus, puisque ce n'est plus ma compagne. Chez mes parents, c'est plutôt la chambre de ma nièce que j'occupe rarement. J'ai un chez moi en Bolivie, à tout le moins, et la possibilité de m'en inventer un nouveau en France.

Mais trêve de considérations personnelles, ce récit est celui de mon départ d'Ibiato ! Je vous racontais précédemment que j'avais été à la chasse et que le camion était tombé dans un ravin, puis que mon taxi était sortis de la route dans une ligne droite. Je craignais donc qu'un troisième incident vienne conclure cette néfaste série.
Google Maps cartographie mal la Bolivie, mais voici un fragment pour mieux repérer les alentours d'Ibiato.
Nous sommes dimanche 22 septembre, je termine de faire mon sac et m'apprête à quitter le village. Le pasteur passe me voir pour me dire que la messe prévue pour bénir mon voyage ne se fera finalement pas car il doit partir avec le reste de l'équipe de foot pour jouer à Cerrito, un village des environ que je ne connais pas. J'entends d'abord Cerito, ce qui me fait sourire, car cero est le chiffre zéro et -ito un diminutif. Un petit zéro. Ce n'est pas ça finalement, cerro c'est le mot pour colline. Le pasteur de Trinidad arrive ensuite en camionnette, proposant d'emmener tout le monde, d'abord l'équipe puis les supporteurs dans un autre voyage. Ils me proposent d'y aller. Le plan c'est de repasser par le village puis d'aller à Trinidad ensuite en fin d'après midi pour que j'achète mon ticket de bus, que l'on partage un dernier repas là-bas avec mes hôtes, Hugo, le pasteur du village et sa femme. Et ce qui se passa fut bien sûr tout à fait différent.

Le second voyage à Cerrito tarda tant que l'on mangea notre repas de midi avant de partir, ce qui m'allait bien. Le voyage en camionnette ce fit sans trop d'encombre et la demie heure de voyage passa vite. Je retrouvais là-bas le président du territoire en train de picoler avec Hugo, mon collègue de boulot. Je m'assoie avec Fernando et Gladys, mes hôtes, qui m'invitent d'une bouteille de Coca Cola. Hugo nous offre une bouteille de bière, en faisant des grands signes montrant qu'il est déjà bien fait. Mes hôtes cachent la bouteille pour que le pasteur ne les voient pas boire, mais ils en rajoutent dans leurs verres de Coca dès que possible. Je refuse leur mélange infâme mais déguste tranquillement la bière.

L'équipe de foot d'Ibiato ne jouera finalement pas, l'autre équipe ne s'étant pas présentée. Les filles purent néanmoins jouer, l'équipe d'Ibiato contre celle de Ngirai, et c'est cette seconde qui l'emportera. Le pasteur part ensuite vers Ibiato, laissant sa famille. Son idée est de repasser les chercher et d'aller directement à Trinidad. Je monte donc dans la camionnette et fais un aller-retour pour aller chercher mes deux sacs à dos. Une heure plus tard, de retour à Cerrito, il s'avère qu'il y a pas mal de monde d'Ibiato, et qu'un autre voyage jusqu'à là-bas s'impose. On se tasse dans le camion. Je me retrouve écrasé sous mon sac de vingt kilos pendant une vingtaine de minutes puis je descends du camion à un croisement où il repassera dans l'autre sens. Je me retrouve avec la famille du pasteur, des jeunes chrétiens genre scouts et la fille du pasteur que je connaissais déjà. On discute, c'est plutôt sympa. Le temps passe, sans que le camion ne revienne. Finalement arrive les deux soûlards, dont Hugo qui débarque avec nous et vient vers moi me demander des sous. Il réalise qu'il n'ira sans doute pas en ville et voudrait que je lui donne de l'argent là, alors que je n'en ai pas. J'ai épuisé mes réserves en le payant le matin même, me montrant très généreux sur la dernière paye pour qu'il puisse acheter le bois pour la charpente de sa maison en construction, avec la mention que je ne voulais pas que ça serve pour de la bière. Je suis un peu énervé contre lui, d'autant plus qu'il est complètement ivre et puant.

Le camion ne vient toujours pas, nous téléphonons au village avec mon portable. Il est en panne. Le voilà le troisième soucis automobile de ma semaine. Les phares ne s'allument pas. Nous décidons de nous rendre à pied à Casarabe, le village suivant sur la route vers Trinidad. Ce n'est pas tout prêt et je ne suis pas très chaud, mais un jeune me propose de porter mon sac le plus lourd, alors je me retrouve avec seulement quatorze kilos sur le dos. Nous marchons avec entrain, laissant Hugo nous suivre en titubant. Je ne suis pas plus préoccupé que ça, sachant que je peux – au pire – partir seulement le lendemain, mon avion décollant seulement le jeudi. Peut-être grâce à une intervention divine, un pick-up s'arrête et nous prend en stop jusqu'à la place centrale de Casarabe ou nous pouvons attendre plus au calme. J'abandonne Hugo à son monologue sur l'argent que je dois lui donner et vais acheter une bouteille d'eau pour partager avec tout le monde, et une pomme pour moi, qui commence à avoir faim. Hugo me rabâche la même chose en boucle, et je finis par m'énerver et par aller marcher un peu plus loin afin d'éviter de le baffer. Je mange ma pomme et reviens discuter avec les enfants du pasteur.

Le camion finit par arriver, il est 19h30, heure à laquelle les premiers bus partent de Trinidad. Il est souvent beaucoup moins cher d'acheter son ticket dans l'après midi et je commence à douter de mon départ ce dimanche soir. Dans le camion arrive Fernando, qui devait dîner avec moi mais me dit qu'il est trop tard pour lui pour aller jusqu'à Trinidad et revenir. Il me dit qu'il est par contre possible d'arrêter un bus à Casarabe pour aller directement à Santa Cruz. Ça ne coûte pas plus cher mais par contre on ne peut pas enregistrer les bagages, ce qui ne me plaît pas trop. On tente quand même le coup, je charge mes bagages dans le premier bus qui passe, je paye le tarif normal et monte dans le bus. Le chauffeur m'indique, tout au fond, entre les deux rangées de fauteuils-lits une cagette en plastique surmontée d'un vague coussin. Ce sera mon lit pour la nuit.

(Je poursuis l'écriture depuis mon appart lyonnais) Je dors inconfortablement jusqu'à 4h du matin. Je me réveille alors, le bus étant à l'arrêt, plongé dans l'obscurité. Les gens s'éveillent petit à petit et j'écoute ce que disent mes voisins. Ils lâchent le mot que je m'attendais à entendre : bloqueo. Il s'agit d'un barrage routier, une modalité de grève légale en Bolivie et qui consiste à bloquer tout trafic routier sur un axe majeur. Il est probable que ça dure un jour ou deux. Un premier groupe sort et revient nous dire que nous sommes à environ cinq kilomètres de Pailon, un poste de douane pour les camions. Je ne réalise pas trop. Un autre groupe se décide à partir à pied, disant qu'il est préférable d'être dans les premiers pour n'avoir pas à attendre un taxi permettant de terminer le trajet. Je sors alors du bus et récupère mes deux sacs à dos que je lance sur mes épaules. Trente kilos ne m'empêcheront pas de marcher d'un bon pas dans la nuit. Je trouve un collègue de marche qui suit mon pas et nous discutons pour aller plus vite. Il m'explique que nous sommes à 20km de Santa Cruz et qu'il y a trois barrages. Du premier au second, il y a cinq kilomètres et des taxis font l'aller-retour pour un euro environ puis du second au troisième, il y a un pont immense où d'autres taxis font la navette. A partir du troisième barrage, il restera un taxi à payer pour arriver à destination. Je n'ai que peu de monnaie et préfère donc continuer à pied. Il fait frais, mais mes deux sacs me tiennent chaud. Nous arrivons au pont et je suis néanmoins exténué, bien qu'encore combatif. Je n'envisage cependant pas de marcher encore une heure avec le vent qui sera pire sur le pont. Je lâche cinquante centimes puis traverse le pont en moto. De l'autre côté, je m'engouffre dans un taxi et abandonne deux euros pour finir à quelques encablures de l'hôtel où je vais finalement m'effondrer.

Je ne réussirais pas à m'endormir après ce périple, nourris par l'adrénaline et un petit déjeuner composé de fruits frais. La nuit suivante je pourrai enfin récupérer et rencontrer un sympathique photo journaliste avec qui passer les derniers jours en Bolivie. J'en profite pour manger exotique, découvrant notamment un curieux restaurant japonais toscan. Le jeudi, je prends l'avion et cette partie là se passe sans encombre, avec seulement quelques enfants bruyants dans le premier avion.

Je suis donc de retour en France et ce blog va se reposer jusqu'à l'année prochaine. Je mettrai peut-être quelques nouvelles s'il se passe des choses dans ma vie en rapport avec ce projet, mais sinon, ça sera autour du mois de mai que reprendra mon voyage, avec un nouveau séjour long ! J'espère que mes quelques écrits et quelques photos vous ont plu et vous dit donc à bientôt !

2 commentaires:

  1. Merci à toi d'en avoir tenu le journal ! C'était intéressant jusqu'au bout.

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  2. Heureux de te savoir un peu plus proche de nous. A quand le plaisir de te voir... Et de partager d'autres souvenirs.
    Je n'ai pas tout lu !, mais je me suis régalé et j'ai aimé ta prose. Charavines ou Renage t'attendent. Bises Tontonesque ! Jean Pierre

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