Je commence ce message
dans un avion, survolant le sud de la France, bientôt rentré chez
moi. Enfin chez moi, c'est une expression que je ne peux pas vraiment
employer, n'en ayant pas vraiment. La chambre que je partageais avec ma compagne ne me convient plus, puisque ce n'est plus ma compagne. Chez mes parents, c'est plutôt la chambre de ma nièce
que j'occupe rarement. J'ai un chez moi en Bolivie, à tout le moins,
et la possibilité de m'en inventer un nouveau en France.
Mais trêve de
considérations personnelles, ce récit est celui de mon départ
d'Ibiato ! Je vous racontais précédemment que j'avais été
à la chasse et que le camion était tombé dans un ravin, puis que mon
taxi était sortis de la route dans une ligne droite. Je craignais
donc qu'un troisième incident vienne conclure cette néfaste série.
Google Maps cartographie mal la Bolivie, mais voici un fragment pour mieux repérer les alentours d'Ibiato. |
Nous sommes dimanche 22
septembre, je termine de faire mon sac et m'apprête à quitter le
village. Le pasteur passe me voir pour me dire que la messe prévue
pour bénir mon voyage ne se fera finalement pas car il doit partir
avec le reste de l'équipe de foot pour jouer à Cerrito, un village
des environ que je ne connais pas. J'entends d'abord Cerito, ce qui
me fait sourire, car cero est le chiffre zéro et -ito un diminutif.
Un petit zéro. Ce n'est pas ça finalement, cerro c'est le mot pour colline. Le pasteur de Trinidad
arrive ensuite en camionnette, proposant d'emmener tout le monde,
d'abord l'équipe puis les supporteurs dans un autre voyage. Ils me
proposent d'y aller. Le plan c'est de repasser par le village puis
d'aller à Trinidad ensuite en fin d'après midi pour que j'achète
mon ticket de bus, que l'on partage un dernier repas là-bas avec mes
hôtes, Hugo, le pasteur du village et sa femme. Et ce qui se passa
fut bien sûr tout à fait différent.
Le second voyage à
Cerrito tarda tant que l'on mangea notre repas de midi avant de
partir, ce qui m'allait bien. Le voyage en camionnette ce fit sans
trop d'encombre et la demie heure de voyage passa vite. Je retrouvais
là-bas le président du territoire en train de picoler avec Hugo,
mon collègue de boulot. Je m'assoie avec Fernando et Gladys, mes
hôtes, qui m'invitent d'une bouteille de Coca Cola. Hugo nous offre
une bouteille de bière, en faisant des grands signes montrant qu'il
est déjà bien fait. Mes hôtes cachent la bouteille pour que le
pasteur ne les voient pas boire, mais ils en rajoutent dans leurs
verres de Coca dès que possible. Je refuse leur mélange infâme
mais déguste tranquillement la bière.
L'équipe de foot
d'Ibiato ne jouera finalement pas, l'autre équipe ne s'étant pas
présentée. Les filles purent néanmoins jouer, l'équipe d'Ibiato
contre celle de Ngirai, et c'est cette seconde qui l'emportera. Le
pasteur part ensuite vers Ibiato, laissant sa famille. Son idée est
de repasser les chercher et d'aller directement à Trinidad. Je monte
donc dans la camionnette et fais un aller-retour pour aller chercher
mes deux sacs à dos. Une heure plus tard, de retour à Cerrito, il
s'avère qu'il y a pas mal de monde d'Ibiato, et qu'un autre voyage
jusqu'à là-bas s'impose. On se tasse dans le camion. Je me retrouve
écrasé sous mon sac de vingt kilos pendant une vingtaine de minutes
puis je descends du camion à un croisement où il repassera dans
l'autre sens. Je me retrouve avec la famille du pasteur, des jeunes
chrétiens genre scouts et la fille du pasteur que je connaissais
déjà. On discute, c'est plutôt sympa. Le temps passe, sans que le
camion ne revienne. Finalement arrive les deux soûlards, dont Hugo
qui débarque avec nous et vient vers moi me demander des sous. Il
réalise qu'il n'ira sans doute pas en ville et voudrait que je lui
donne de l'argent là, alors que je n'en ai pas. J'ai épuisé mes
réserves en le payant le matin même, me montrant très généreux
sur la dernière paye pour qu'il puisse acheter le bois pour la
charpente de sa maison en construction, avec la mention que je ne
voulais pas que ça serve pour de la bière. Je suis un peu énervé
contre lui, d'autant plus qu'il est complètement ivre et puant.
Le camion ne vient
toujours pas, nous téléphonons au village avec mon portable. Il est
en panne. Le voilà le troisième soucis automobile de ma semaine.
Les phares ne s'allument pas. Nous décidons de nous rendre à pied à
Casarabe, le village suivant sur la route vers Trinidad. Ce n'est pas
tout prêt et je ne suis pas très chaud, mais un jeune me propose de
porter mon sac le plus lourd, alors je me retrouve avec seulement
quatorze kilos sur le dos. Nous marchons avec entrain, laissant Hugo
nous suivre en titubant. Je ne suis pas plus préoccupé que ça,
sachant que je peux – au pire – partir seulement le lendemain,
mon avion décollant seulement le jeudi. Peut-être grâce à une
intervention divine, un pick-up s'arrête et nous prend en stop
jusqu'à la place centrale de Casarabe ou nous pouvons attendre plus
au calme. J'abandonne Hugo à son monologue sur l'argent que je dois
lui donner et vais acheter une bouteille d'eau pour partager avec
tout le monde, et une pomme pour moi, qui commence à avoir faim.
Hugo me rabâche la même chose en boucle, et je finis par m'énerver
et par aller marcher un peu plus loin afin d'éviter de le baffer. Je
mange ma pomme et reviens discuter avec les enfants du pasteur.
Le camion finit par
arriver, il est 19h30, heure à laquelle les premiers bus partent de
Trinidad. Il est souvent beaucoup moins cher d'acheter son ticket
dans l'après midi et je commence à douter de mon départ ce
dimanche soir. Dans le camion arrive Fernando, qui devait dîner avec
moi mais me dit qu'il est trop tard pour lui pour aller jusqu'à
Trinidad et revenir. Il me dit qu'il est par contre possible
d'arrêter un bus à Casarabe pour aller directement à Santa Cruz.
Ça ne coûte pas plus cher mais par contre on ne peut pas
enregistrer les bagages, ce qui ne me plaît pas trop. On tente quand
même le coup, je charge mes bagages dans le premier bus qui passe,
je paye le tarif normal et monte dans le bus. Le chauffeur m'indique,
tout au fond, entre les deux rangées de fauteuils-lits une cagette
en plastique surmontée d'un vague coussin. Ce sera mon lit pour la
nuit.
(Je poursuis l'écriture
depuis mon appart lyonnais) Je dors inconfortablement jusqu'à 4h du
matin. Je me réveille alors, le bus étant à l'arrêt, plongé dans
l'obscurité. Les gens s'éveillent petit à petit et j'écoute ce
que disent mes voisins. Ils lâchent le mot que je m'attendais à
entendre : bloqueo. Il s'agit d'un barrage routier, une modalité
de grève légale en Bolivie et qui consiste à bloquer tout trafic
routier sur un axe majeur. Il est probable que ça dure un jour ou
deux. Un premier groupe sort et revient nous dire que nous sommes à
environ cinq kilomètres de Pailon, un poste de douane pour les
camions. Je ne réalise pas trop. Un autre groupe se décide à
partir à pied, disant qu'il est préférable d'être dans les
premiers pour n'avoir pas à attendre un taxi permettant de terminer
le trajet. Je sors alors du bus et récupère mes deux sacs à dos
que je lance sur mes épaules. Trente kilos ne m'empêcheront pas de
marcher d'un bon pas dans la nuit. Je trouve un collègue de marche
qui suit mon pas et nous discutons pour aller plus vite. Il
m'explique que nous sommes à 20km de Santa Cruz et qu'il y a trois
barrages. Du premier au second, il y a cinq kilomètres et des taxis
font l'aller-retour pour un euro environ puis du second au troisième,
il y a un pont immense où d'autres taxis font la navette. A partir
du troisième barrage, il restera un taxi à payer pour arriver à
destination. Je n'ai que peu de monnaie et préfère donc continuer à
pied. Il fait frais, mais mes deux sacs me tiennent chaud. Nous
arrivons au pont et je suis néanmoins exténué, bien qu'encore
combatif. Je n'envisage cependant pas de marcher encore une heure
avec le vent qui sera pire sur le pont. Je lâche cinquante centimes
puis traverse le pont en moto. De l'autre côté, je m'engouffre dans
un taxi et abandonne deux euros pour finir à quelques encablures de
l'hôtel où je vais finalement m'effondrer.
Je ne réussirais pas à
m'endormir après ce périple, nourris par l'adrénaline et un petit
déjeuner composé de fruits frais. La nuit suivante je pourrai enfin
récupérer et rencontrer un sympathique photo journaliste avec qui
passer les derniers jours en Bolivie. J'en profite pour manger
exotique, découvrant notamment un curieux restaurant japonais
toscan. Le jeudi, je prends l'avion et cette partie là se passe sans
encombre, avec seulement quelques enfants bruyants dans le premier
avion.
Je suis donc de retour en
France et ce blog va se reposer jusqu'à l'année prochaine. Je
mettrai peut-être quelques nouvelles s'il se passe des choses dans
ma vie en rapport avec ce projet, mais sinon, ça sera autour du mois
de mai que reprendra mon voyage, avec un nouveau séjour long !
J'espère que mes quelques écrits et quelques photos vous ont plu et
vous dit donc à bientôt !
Merci à toi d'en avoir tenu le journal ! C'était intéressant jusqu'au bout.
RépondreSupprimerHeureux de te savoir un peu plus proche de nous. A quand le plaisir de te voir... Et de partager d'autres souvenirs.
RépondreSupprimerJe n'ai pas tout lu !, mais je me suis régalé et j'ai aimé ta prose. Charavines ou Renage t'attendent. Bises Tontonesque ! Jean Pierre