Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

dimanche 22 juillet 2012

Détour par Vienne

Voilà un bon moment que je n'ai rien écrit ici, et je vais donc vous proposer un peu de lecture sur la semaine que je viens de passer à Vienne. En Autriche. Oui oui. Et je vous écris ça depuis l'aéroport, si c'est pas fou fou fou.

Mais avant ça, reprenons le cheminement de l'aventure en résumant ce qui s'est passé depuis le dernier épisode. J'ai rendu mon mémoire de fin de Master 2 en juin, un document de près de cents pages présentant la situation sociolinguistique du siriono et une première analyse du système des sons de la langue (phonologie). Cela a convaincu ma directrice de recherche de continuer à m'encadrer et elle a proposé mon dossier au Labex ASLAN pour que je puisse bénéficier d'un financement pour continuer en thèse. ASLAN c'est le nom qui a été choisi pour une structure administrative qui réunie les deux laboratoires de recherche lyonnais en linguistique. Une structure qui a des financements spécifiques pour payer des missions à l'étranger (en Bolivie par exemple) mais aussi des thèses. Et c'est plutôt magnifique que j'ai pu passer par ce biais, car sinon, j'étais à peu près sûr de ne pas obtenir de financement et du même coup de ne pas pouvoir continuer. Ce qui est malheureusement arrivé à ma compagne.

Donc, j'ai finis mon mémoire et j'vais continuer en thèse. Mais que vient faire Vienne là-dedans ? Et bien, c'est la ville où se tenait le 54ème congrès des Américanistes, rassemblement géant des gens qui travaillent sur/en Amérique. Un truc monstrueux qui a lieu tous les trois ans, avec plus de cinq milles personnes et des centaines de symposium en même temps. Un symposium - j'ai découvert ce mot à cette occasion - c'est une suite de présentations courtes avec des mini-temps de discussions sur un thème précis. Cette fois-ci, c'était des symposiums de 8h à 13h30 puis de 17h30 à 19h30, du lundi 16 juillet au vendredi 20 du même mois. Et là dedans, il y avait donc de la linguistique et même plus particulièrement un symposium sur les langues tupi. Et j'y ai présenté un petit quelque chose. 

L'an dernier, pendant que j'étais en Bolivie, j'ai finalisé une accroche de 250 mots pour convaincre les organisateurs de l'intérêt de mon sujet et j'ai reçu leur accord pour venir en décembre. J'ai donc pu parler durant un symposium, ce qui est chouette comme un animal nocturne. Ma présentation a été programmée lundi matin, à 8h, donc en tout premier du tout début. Ce qui a ses avantages. Et oui, une fois fini j'étais libre d'esprit pour le reste de la semaine et, plus que ça, il n'y avait pas encore tout le monde. J'avais donc moins de pression et j'ai pu parler plus librement.

Le sujet était celui de mon mémoire de Master 1, donc le pluriel dans les langues tupi-guarani. Je n'y ai pas parlé de ce que je vous ai raconté ici, mais j'ai parlé en espagnol ! Et oui, c'était ça ou anglais, et je trouve mon accent en espagnol moins...froggy. J'avais préparé une jolie présentation avec plein de diapo d'exemples et un joli exemplier que j'ai distribué à la dizaine de personnes déjà présentes. Puis après j'ai parlé. Un peu vite. J'étais relativement à l'aise, mais en cherchant à ne pas m'embrouiller avec des mots que je ne maîtrise pas trop, j'ai fais des phrases simples, courtes, et je n'ai pas dit beaucoup plus que ce que j'avais écris sur les diapos. Résultat : j'ai finis au bout de douze minutes alors que j'en avais vingt pour parler. Les dix minutes de questions ont pu durer plus longtemps, mais il n'y a pas eut beaucoup de questions, si ce n'est de la part des deux organisateurs et d'un chercheur travaillant sur une autre famille de langue, mais matinal. Oui, c'est sûr, à 8h le lundi matin, se prendre des dizaines de formes de construction du pluriel, c'était pas le petit-déj idéal, mais bon, ça c'est bien passé et le reste de la journée a été très intéressant.

Il y avait en fait trois choses bien à ce séjour viennois. D'abord les symposiums, avec des présentations plutôt intéressantes, et pluridisciplinaires. J'ai ainsi pu entendre un peu d'archéologie, de la génétique des populations, de l'ethnohistoire, de l'anthropologie et même un peu d'histoire de l'anarchie en Amérique du Sud. Et de la linguistique, plein de linguistique. Et pas beaucoup de sommeil, évidemment.

Le second aspect positif c'est qu'avec tout ça, j'ai pu rencontrer tout plein de gens ! Des gens travaillant dans le même domaine mais sur d'autres langues ou des gens travaillant dans d'autres domaines mais au même endroit. J'ai pu revoir la chercheuse allemande que j'avais vu l'an dernier en Bolivie et on a pas mal discuté. Elle travaille à peine plus au nord que le territoire siriono et mène une investigation pour rencontrer les derniers locuteurs du hoja, langue ou dialecte approchant du siriono. Dans le même temps, un anthropologue parisien avec qui j'avais déjà communiqué par courriel travaille sur les yukis, eux aussi parlant une langue ou un dialecte siriono. A nous trois, on va tenter de mieux comprendre l'évolution historique de la région ! C'est pas rien, et c'est une super perspective collective. J'ai aussi pu rencontrer beaucoup d'autres gens travaillant sur des langues tupi-guarani avec qui je vais pouvoir échanger par courriel pour obtenir de nouvelles informations sur le pluriel (ahah).

Et enfin, le troisième point positif à être à ce Congrès, c'est qu'il était à Vienne, et que c'est quand même une chouette grande ville ! J'ai pu visiter un peu, mais pas autant que j'aurais aimé, car mes journées étaient très chargées (le début d'après midi je restais avec les collègues pour échanger des documents ou des données). J'ai pu quand même errer en ville le weekend de mon arrivée et ensuite en fin de semaine. Avec le groupe travaillant dans la zone Guaporé-Mamoré (dont fait partis le territoire siriono), j'ai pu accéder aux sous-sol du musée d'anthropologie, qui consacrait une exposition aux premières expéditions autrichiennes au Brésil. Rien sur les Sirionos, évidemment, mais plein de chouettes céramiques, flèches et collier d'oiseaux entiers. De ces expéditions date une bonne partie du fond historique du muséum d'histoire naturel, dont plein d'animaux exotiques. Dans ce musée j'ai vu aussi des dinosaures, dont une maquette animée géante de t-rex, et une collection de pierres impressionnante ! Plus d'un millier de cailloux sur les quatre-mille-cinq-cents connus. Il y avait même un bout de roche martienne.

Je suis aussi monté voir Judith et le Baiser de Klimt dans le Belvédère, un immense palais perché en haut d'un jardin à l'anglaise. Il y avait une belle collection d'oeuvres classiques aussi, des choses sympathiques. 

Puis sinon, j'ai découvert ce que ça fait de dormir seul dans un hôtel impersonnel, dans une ville où les gens parlent une langue que l'on ne comprend pas. Une impression pas des plus sympathique. Heureusement qu'il y avait beaucoup d'étrangers, dû au congrès, et que je pouvais parler anglais ou espagnol durant la journée. J'ai découvert donc aussi la nourriture autrichienne, pleine de viennoiseries et de dinde panée. Et de viande en sauce aussi. 

Mais bon, le plus important dans toute cette histoire c'est qu'il s'agit d'un pas de plus dans cette grande aventure vers le cosmos, et que ce fut une chouette expédition pour rencontrer tout plein de gens et découvrir un lieu étranger ! Et la prochaine fois, en 2015, ce sera au Salvador, oh yeah !

Mais il va se passer bien des choses d'ici là, dont je vous parlerais ici, si ça continue à vous intéresser ! Sinon, sortez discrètement et faites comme si rien ne c'était passé.


1 commentaire:

  1. Je savais que ce n'était pas stupide de continuer à venir voir après des updates de temps en temps ! Ils m'ont traité de fou à l'école de médecine, mais ahaha c'est qui le DINGUE maintenant hein ??

    Ca fait plaisir de retrouver de quoi lire, et aussi d'avoir ton actualité, tout cela semble drôlement intéressant et ton voyage au sein de la langue et de la culture Siriono continue et s'enrichit c'est trop cool.

    RépondreSupprimer