Voilà un bon moment que je n'ai rien
écrit ici, et je vais donc vous proposer un peu de lecture sur la
semaine que je viens de passer à Vienne. En Autriche. Oui oui. Et je
vous écris ça depuis l'aéroport, si c'est pas fou fou fou.
Mais
avant ça, reprenons le cheminement de l'aventure en résumant ce qui
s'est passé depuis le dernier épisode. J'ai rendu mon mémoire de fin de
Master 2 en juin, un document de près de cents pages présentant la
situation sociolinguistique du siriono et une première analyse du
système des sons de la langue (phonologie). Cela a convaincu ma
directrice de recherche de continuer à m'encadrer et elle a proposé mon
dossier au Labex ASLAN pour que je puisse bénéficier d'un financement
pour continuer en thèse. ASLAN c'est le nom qui a été choisi pour une
structure administrative qui réunie les deux laboratoires de recherche
lyonnais en linguistique. Une structure qui a des financements
spécifiques pour payer des missions à l'étranger (en Bolivie par
exemple) mais aussi des thèses. Et c'est plutôt magnifique que j'ai pu
passer par ce biais, car sinon, j'étais à peu près sûr de ne pas obtenir
de financement et du même coup de ne pas pouvoir continuer. Ce qui est
malheureusement arrivé à ma compagne.
Donc,
j'ai finis mon mémoire et j'vais continuer en thèse. Mais que vient
faire Vienne là-dedans ? Et bien, c'est la ville où se tenait le 54ème
congrès des Américanistes, rassemblement géant des gens qui travaillent
sur/en Amérique. Un truc monstrueux qui a lieu tous les trois ans, avec
plus de cinq milles personnes et des centaines de symposium en même
temps. Un symposium - j'ai découvert ce mot à cette occasion - c'est une
suite de présentations courtes avec des mini-temps de discussions sur
un thème précis. Cette fois-ci, c'était des symposiums de 8h à 13h30
puis de 17h30 à 19h30, du lundi 16 juillet au vendredi 20 du même mois.
Et là dedans, il y avait donc de la linguistique et même plus
particulièrement un symposium sur les langues tupi. Et j'y ai présenté
un petit quelque chose.
L'an
dernier, pendant que j'étais en Bolivie, j'ai finalisé une accroche de
250 mots pour convaincre les organisateurs de l'intérêt de mon sujet et
j'ai reçu leur accord pour venir en décembre. J'ai donc pu parler durant
un symposium, ce qui est chouette comme un animal nocturne. Ma
présentation a été programmée lundi matin, à 8h, donc en tout premier du
tout début. Ce qui a ses avantages. Et oui, une fois fini j'étais libre
d'esprit pour le reste de la semaine et, plus que ça, il n'y avait pas
encore tout le monde. J'avais donc moins de pression et j'ai pu parler
plus librement.
Le
sujet était celui de mon mémoire de Master 1, donc le pluriel dans les
langues tupi-guarani. Je n'y ai pas parlé de ce que je vous ai raconté
ici, mais j'ai parlé en espagnol ! Et oui, c'était ça ou anglais, et je
trouve mon accent en espagnol moins...froggy. J'avais préparé une jolie
présentation avec plein de diapo d'exemples et un joli exemplier que
j'ai distribué à la dizaine de personnes déjà présentes. Puis après j'ai
parlé. Un peu vite. J'étais relativement à l'aise, mais en cherchant à
ne pas m'embrouiller avec des mots que je ne maîtrise pas trop, j'ai
fais des phrases simples, courtes, et je n'ai pas dit beaucoup plus que
ce que j'avais écris sur les diapos. Résultat : j'ai finis au bout de
douze minutes alors que j'en avais vingt pour parler. Les dix minutes de
questions ont pu durer plus longtemps, mais il n'y a pas eut beaucoup
de questions, si ce n'est de la part des deux organisateurs et d'un
chercheur travaillant sur une autre famille de langue, mais matinal.
Oui, c'est sûr, à 8h le lundi matin, se prendre des dizaines de formes
de construction du pluriel, c'était pas le petit-déj idéal, mais bon, ça
c'est bien passé et le reste de la journée a été très intéressant.
Il y avait en fait trois choses bien
à ce séjour viennois. D'abord les symposiums, avec des présentations
plutôt intéressantes, et pluridisciplinaires. J'ai ainsi pu entendre un
peu d'archéologie, de la génétique des populations, de l'ethnohistoire,
de l'anthropologie et même un peu d'histoire de l'anarchie en Amérique
du Sud. Et de la linguistique, plein de linguistique. Et pas beaucoup de
sommeil, évidemment.
Le second aspect positif c'est
qu'avec tout ça, j'ai pu rencontrer tout plein de gens ! Des gens
travaillant dans le même domaine mais sur d'autres langues ou des gens
travaillant dans d'autres domaines mais au même endroit. J'ai pu revoir
la chercheuse allemande que j'avais vu l'an dernier en Bolivie et on a
pas mal discuté. Elle travaille à peine plus au nord que le territoire
siriono et mène une investigation pour rencontrer les derniers locuteurs
du hoja, langue ou dialecte approchant du siriono. Dans le même temps,
un anthropologue parisien avec qui j'avais déjà communiqué par courriel
travaille sur les yukis, eux aussi parlant une langue ou un dialecte
siriono. A nous trois, on va tenter de mieux comprendre l'évolution
historique de la région ! C'est pas rien, et c'est une super perspective
collective. J'ai aussi pu rencontrer beaucoup d'autres gens travaillant
sur des langues tupi-guarani avec qui je vais pouvoir échanger par
courriel pour obtenir de nouvelles informations sur le pluriel (ahah).
Et enfin, le troisième point positif
à être à ce Congrès, c'est qu'il était à Vienne, et que c'est quand
même une chouette grande ville ! J'ai pu visiter un peu, mais pas autant
que j'aurais aimé, car mes journées étaient très chargées (le début
d'après midi je restais avec les collègues pour échanger des documents
ou des données). J'ai pu quand même errer en ville le weekend de mon
arrivée et ensuite en fin de semaine. Avec le groupe travaillant dans la
zone Guaporé-Mamoré (dont fait partis le territoire siriono), j'ai pu
accéder aux sous-sol du musée d'anthropologie, qui consacrait une
exposition aux premières expéditions autrichiennes au Brésil. Rien sur
les Sirionos, évidemment, mais plein de chouettes céramiques, flèches et
collier d'oiseaux entiers. De ces expéditions date une bonne partie du
fond historique du muséum d'histoire naturel, dont plein d'animaux
exotiques. Dans ce musée j'ai vu aussi des dinosaures, dont une maquette
animée géante de t-rex, et une collection de pierres impressionnante !
Plus d'un millier de cailloux sur les quatre-mille-cinq-cents connus. Il
y avait même un bout de roche martienne.
Je suis aussi monté voir Judith et
le Baiser de Klimt dans le Belvédère, un immense palais perché en haut
d'un jardin à l'anglaise. Il y avait une belle collection d'oeuvres
classiques aussi, des choses sympathiques.
Puis sinon, j'ai découvert ce que ça
fait de dormir seul dans un hôtel impersonnel, dans une ville où les
gens parlent une langue que l'on ne comprend pas. Une impression pas des
plus sympathique. Heureusement qu'il y avait beaucoup d'étrangers, dû
au congrès, et que je pouvais parler anglais ou espagnol durant la
journée. J'ai découvert donc aussi la nourriture autrichienne, pleine de
viennoiseries et de dinde panée. Et de viande en sauce aussi.
Mais bon, le plus important dans
toute cette histoire c'est qu'il s'agit d'un pas de plus dans cette
grande aventure vers le cosmos, et que ce fut une chouette expédition
pour rencontrer tout plein de gens et découvrir un lieu étranger ! Et la
prochaine fois, en 2015, ce sera au Salvador, oh yeah !
Mais il va se passer bien des choses
d'ici là, dont je vous parlerais ici, si ça continue à vous intéresser !
Sinon, sortez discrètement et faites comme si rien ne c'était passé.
Je savais que ce n'était pas stupide de continuer à venir voir après des updates de temps en temps ! Ils m'ont traité de fou à l'école de médecine, mais ahaha c'est qui le DINGUE maintenant hein ??
RépondreSupprimerCa fait plaisir de retrouver de quoi lire, et aussi d'avoir ton actualité, tout cela semble drôlement intéressant et ton voyage au sein de la langue et de la culture Siriono continue et s'enrichit c'est trop cool.