Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

mercredi 20 juillet 2011

Ibiato, village siriono

Ce petit village de Bolivie a été fondé dans les années 20 par un missionnaire de l'Eglise Quadrangulaire et a si bien réussi à drainer les Sirionos qu'à une époque il n'en existaient plus qui ne soient pas dans ce village. Un village très pauvre, dans lequel plus de la moitié d'entre eux moururent, les autres étant intégrés progressivement par le biais d'une école située hors de la ville et proscrivant la langue indigène.
La vue en arrivant au village
A force de magouille de par les propriétaires terrains alentours, le territoire alloué par l'état pour la mission religieuse se réduisit. La route principale reliant Santa Cruz à Trinidad traversa le village ou se trouvait l'école, Casarabe. Dans ce village, à environ 12 kilomètres d'Ibiato et cinquante-cinq de Trinidad s'installa une base militaire américaine afin de soutenir les propriétaires de ranch qui voyaient dans ces grandes étendues quasi-désertiques un lieu parfait pour l'élevage bovin. L'aide américain se manifesta par l'utilisation d'indigènes dans un statut très proche de celui des esclaves noirs aux États-Unis.


Une maison typique, avec des bâches de l'US Aid, soutien cathartique

Les Sirionos n'étaient pas les seuls à subir ce traitement et par des rencontres et des organisations entre tribus indigènes, ils réussirent en 1990 à organiser une grande marche pour la Dignité et le Territoire. Celle-ci dura plus d'un mois et partit de Trinidad pour rejoindre La Paz, à plus de 650km de là ! Durant tout le trajet, il y eu un soutien populaire magnifique, de par les autres peuples indigènes, nombreux dans cette région fertile, mais aussi par les indigènes des montagnes, les Quetchuas et Aymaras ! Avant chaque étape le groupe se réunissait et décidait de l'ordre de marche, soignaient les blessés et remerciaient leurs hôtes de la nuit. A chaque étape ils trouvèrent des portes grandes ouvertes et ils finirent par être reçus quatre jours par le président.

Une maison encore plus typique, au toit en une sorte de palmier, aux murs de tronc de bambou et de torchis

De ces négociations sortirent quatre décrets suprêmes accordant à quatre peuples indigènes la liberté d'utiliser ses terres ancestrales. Parmi ces peuples figuraient les Sirionos qui sortirent grandis de cette lutte. Vous imaginez bien, une telle révolution, pour un peuple sans terre, méprisé par le pays entier et qui, en à peine quelques mois obtient sans une goutte de sang la possession de ses terres ! Une fierté pour les Sirionos et un exemple étonnant de révolution moderne dont on ne parle pas souvent.

Une autre maison avec son petit étang et du linge coloré comme en portent tous les gens ici.

La victoire n'est cependant pas totale immédiatement et le territoire alloué est d'abord fort petit. Même aujourd'hui, il ne correspond pas à celui dans lequel chassaient les Sirionos alors qu'ils étaient nomades ! Pour autant, la Bolivie est devenu un pays plurinational, reconnaissant l'existence d'instance politique autonome en son sein, ce qui est fort juste me semble-t-il. En ce sens, le pays est largement plus démocratique que nos états européens !

Vers le centre du village
 Mais trêve d'histoire, venons-en au village proprement dit ! Il est composé d'une bonne trentaines de maisons, chacune accueillant une famille avec en moyenne deux enfants. Il y a peu de personnes âgées et peu de jeunes entre 18 et 25. Des enfants, il y en a donc des tas, pour la plupart très jeunes. Ils vont à l'école communale tous les matins, de 8h30 à 12h30, plus ou moins...ici personne n'a de montre, les enfants semblent donc aller à l'école pendant la moitié de la matinée. Il y a une dizaine de professeurs, dont un qui donne des cours de siriono, à tous les niveaux, de sorte que les enfants en sortent en comprenant un peu la langue.


La cour de l'école, il y a encore une aile à gauche
 Le village est resté très croyant et l'église construite il y a presque un siècle est encore le centre du village (note 2013 : en fait, elle a été reconstruite à plusieurs reprises sur le même emplacement, elle était d'abord en briques de terre). Il y a bien une autre église, de l'Assemblée de Dieu, pour ceux qui n'apprécient pas les messes du pasteur de l'Eglise Quadrangulaire. Depuis six ans, le pasteur est complètement extérieur à la communauté et la messe est en espagnol (note 2013 : en fait non, il est marié à la fille illégitime de Juan Anderson). Par le passé, il y eu à Ibiato des missionnaires du Summer Institute of Linguistic, qui vinrent traduire le nouveau testament en siriono. Il existe donc mais le pasteur actuel ne l'utilise pas. A quoi bon dans un village ou personne ne parle plus la langue. Beaucoup la connaissent, tous d'après le chef du village qui m'héberge, mais pourtant aucun ne la parle (note 2013 : évidemment, c'était un peu exagéré).

L'église, au sommet de la colline
Le climat est clément pendant la moitié de l'année qui correspond à l'hiver, en ce moment, et pluvieux pendant la saison la plus chaude, ou l'air est saturé d'humidité et la terre gorgée d'eau. Il fait donc ici un temps similaire à celui de la France en ce moment. Les rares pluies sont des orages qui ne durent pas et forment des flaques immenses (note 2013 : même saison et pourtant cette année c'est tout pourri avec pluie tout le temps, mais ça ne me déplait pas !). La piste pour venir au village est de terre mais presque sans nid de poule ou irrégularité, tant le sol est tassé (note 2013 : parce que neuve, maintenant c'est moins glorieux). C'est aussi qu'ici il n'y a pas de pierre, et mis à part l'église et le centre de santé, aucune maison n'est faite de pierre. La ville est de poussière, de terre tassée et de végétation.

Vue du terrain de foot, ancienne piste d'atterrissage du village
Et pour finir cette petite présentation partiale du village, expliquons-en le nom ! Il est en siriono, comme vous pouvez vous en douter. La première partie, que l'on écrirait maintenant ɨbɨ en alphabet siriono, est le mot pour la terre. La seconde, ato, est le mot pour monticule. Le village est donc celui de la colline, du mont, comme il y en a tant partout. D'après certains historiens, il daterait d'une civilisation dont descendent les Sirionos et qui auraient aménagés tertres et canaux d'irrigation dans cette grande région où tant d'hommes ont cherchés les mystérieuses cités d'or ! D'après d'autres historiens, ce seraient de toutes autres personnes, mais quoi qu'il en soit, on a aucune informations sur eux !

4 commentaires:

  1. et ben ya même du ciel bleu.... à peu près comme chez nous effectivement, des "culottes de gendarmes" aurait dit mon père....
    Ils jouent au foot pieds nus ou avec des bottes???
    as tu fais une partie avec eux????

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  2. et ta maison à toi elle est comment? et tes hôtes?

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  3. Belle photo avec l'église ! Le village est tout plat, par contre, on dirait... Pas très ibiatesque tout ça :)

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  4. Marie : Il y a surtout du ciel bleu, il fait beau et très chaud tout le temps. Je n'ai pas joué au foot avec eux, je ne préfère pas, à la tombée de la nuit, avec les moustiques. Mais ils portent des baskets. Les gens ici sont vêtus comme n'importe où en France, avec seulement un peu plus de couleurs vives.

    Je n'ai pas pris de photo extérieure de la maison où je suis, je le ferais. Quant à mes hôtes, j'en parle dans l'autre message !

    Diane : C'est vrai, on ne se rend pas compte du dénivellé, je prendrais d'autres photos !

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