Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

dimanche 2 décembre 2012

Glanage

Attention, je ne me suis pas trompé dans le titre, je n’ai pas glandé du tout pendant les deux semaines qui viennent de s’écouler ! J’ai en revanche accompagné mes hôtes deux fois, pour aller pêcher et pour aller ramasser des mangues. Et dans cet article, je vais vous raconter tout ça !
D'abord, on marche trois kilomètres puis on entre dans la jungle.
 Un matin, j’ai accompagné mon hôte à la pêche dans l’arroyo. Nous sommes partis les mains dans les poches, sans matériel pour eux, avec ma caméra et mon appareil photo. Je me suis d’abord demandé comment ils comptaient pêcher. Bon, la saison des pluies débute à peine et le niveau d’eau des cours d’eau est très bas, ce qui permettrait presque de pêcher à mains nues, mais quand même… De cours d’eaux en fait il s’agit plutôt de lac d’eau stagnante, ce qu’ils appellent des arroyos.
Voici l'arroyo, vous voyez bien la différence, non ?
Nous rejoignons un gars que je ne connais pas, et qui arbore une machette, l’outil de base ici. Heu…mais…même si il y a peu d’eau et beaucoup de poissons…pêcher à la machette c’est un peu bourrin, non ? Ça m’a fait penser au film Mon nom est personne, dans lequel le type pêche à la massue. Et si parfois c'est bien ainsi qu'ils font, ce ne sera pas le cas cette fois. La machette sert à retourner la terre à la recherche d'appât !
Mince, cette fois impossible de respecter le format 16x9 que je tente de suivre cette année !
Oui, c’est à peine plus logique. Dans un point  & click on y songerait pas, mais pourtant c’est bien le moyen le plus simple de trouver des vers de terre, qui serviront d’appât pour pêcher à la canne à pêche ! La situation s’éclaire. Mais il manque encore la canne à pêche, les hameçons et le fil. J’entends des voix d’enfants un peu plus loin, et je me dis qu’ils laissent peut-être une partie du matériel ici en permanence. En fait, non.
Tout frais du jour !
Une fois quelques appâts attrapés, l’ami va couper une longue plante droite et une liane pour faire la canne à pêche. Il sort de sa poche un hameçon et ils peuvent enfin se plonger dans l’arroyo, où je ne les suivrai pas. Ils y entrent pieds nus, dans un sol fait d’herbes couchées, de plantes diverses, de poissons sans doutes et d’eau. Parfois ils traversent le sol spongieux et s’enfoncent dans l’eau jusqu’à la taille. Autant rester au sec et grimper dans un arbre pour les regarder faire.
Ces gens là marchent sur l'eau.
Je les vois à peine, mais les entends souvent s’exclamer d’une bonne prise. J’en profite pour me faire dévorer par les moustiques et prendre un coup de soleil qui fut douloureux plusieurs jours. Je suis aussi partis un peu en balade dans les environs, le temps de me faire brûler par des fourmis rouges.
Ces fourmis peuvent peut-être dévorer un russe, mais pas un aventurier qui a un chapeau
Au bout d’un moment, deux enfants changent de coin de pêche et je peux enfin photographier un moment de pêche ! Ils plongent jusqu’à la taille dans l’eau, et en dix minutes, sortent cinq poissons. Enfin, le petit au t-shirt blanc, l’autre n’a rien sortis.
Je ne les ai pas suivis dans l'eau opaque

Je suis très content de cette photo prise sur le vif, à gauche le poisson !
Une fois le poisson hors de l’eau, ils l’attrapent à pleine main, élargissent le trou de l’hameçon (un bout de fer tordu) et enfilent le poisson sur une liane, formant progressivement un bouquet d’animaux morts. Revenant un peu plus tard, je rencontre celui qui fut le Maestro ce matin là. Les autres lui demande de prendre la pose.
Le meilleur sourire du jour
Et une fois dans l’assiette, ben c’est plein d’écailles et le bouillon autour n’est pas délicieux. Et ça empire quand le gamin à côté aspire les viscères à travers la bouche du poisson mort. J’en ai donc mangé assez peu, mais les enfants adorent. Presque autant que les mangues.
Bon, la transition est pas top mais j'avais pas assez de photos pour faire un article à part
C’est la saison des mangues ! Et quand il y en a, il y en a beaucoup. Difficile à imaginer quand on est habitué à partager une unique mangue qui nous a coûté relativement cher, et dont on a dû attendre patiemment le murissement. Ici, il faut juste attendre la saison et alors les arbres croulent sous les fruits ! C’est un peu comme des noix, en plus gros, et le goût n’a rien à voir. Mais c'est tout aussi abondant.
Une mangue sauvage apparaît !
Pour manger une mangue, il faut d’abord trancher le long du noyau puis retourner la partie prélevée et la racler avec la langue. C’est tellement tendre que les dents ne servent presque pas. L’intérieur est une purée qui n’a rien à voir avec la consistance des mangues que l’on trouve dans le commerce en Europe. Une fois la tranche dévorée goulument, il est si simple de s’attaquer à l’autre côté, puis aux abords, et enfin à une seconde mangue, une troisième même si l’appétit est encore là. Et mine de rien, ça fait tout bizarre de manger deux mangues de suite ! D’un coup ! La même journée ! Alors qu’on a déjeuné d’une demi-papaye, qui là encore n’avait rien à voir avec le goût d’une vague confiture de papaye. C’est un peu comme manger une fraise des bois alors que l’on ne connait que les fraises du commerce.
A peine dix minutes de récoltes, de la variété locale dite camba.
Je vous laisse avec cette impression plus agréable que celle des poissons, j’en suis sûr. Mais les deux sont considérés à égalité ici, ayant la même valeur morale : c'est de la nourriture. Et comme les garçons peuvent tenter de faire tomber les mangues au lance-pierre, l'aspect "capture" est aussi valorisée que pour la pêche. Attention, ce n'est pas ma conception des choses et je suis loin de l'approuver. Je cherche juste à l'expliquer pour vous présenter la cosmovision des Sirionos, dans laquelle il y a du bon et du moins bon.

1 commentaire:

  1. comme toujours très intéressant et plein d'humour... tu commences à devenir un peu "sauvage" non? super!

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