Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

jeudi 20 décembre 2012

Préparatifs de Noël en Bolivie

D'abord oui, je suis bien rentré et il fait froid en France. Ensuite, je vous avez prévenu, voilà un article sur la fête de noël ! Inévitable en cette période de l’année, j’ai suivi les préparatifs dans le village puis j’ai vu les installations à Trinidad, à Santa Cruz et dans les aéroports. Les photos suivront donc cet ordre. Avec en premier, le sapin de la famille où j’étais !
Un joli sapin en plastique avec des fraises !
Comme vous vous en doutez, le sapin, c’est pas vraiment un arbre local, mais pas question de décorer un palmier ! Les gens achètent donc des faux sapins en plastiques, ou des guirlandes façon sapin pour mettre dans leur maison. Ils les agrémentent de babioles en plastiques et de loupiotes. Je n'ai pas vu d'angelots ou de figures dans les arbres ni d'étoile au sommet.
Un magasin de faux-sapins à Trinidad
Les commerçants en ville jouent le jeu, mais surtout les plus modernes, sur les marchés il n’y avait rien lors de mon départ, et pas non plus de plats des fêtes ou ce genre de choses. Par contre, des choses étranges dans ce coin du monde.
Un bonhomme de neige en gobelet plastique
Un petit noël qui joue du trombone ? Ho ho hooooo huuuuu hooooooo
D’autres petites choses plus subtiles étaient parfois sympathiques mais souvent difficile à photographier. Et à travers les portes des maisons (toujours ouvertes) j’ai pu voir de nombreuses décorations, mais hors de question de photographier, bien sûr.
Une guirlande de fleur au dessus de la porte d’un restaurant

On passe à Santa Cruz, avec une jolie colonnade en bois
La crèche fait partie des décorations, représentée plus ou moins fidèlement. Il n’y en avait pas dans la maison où j’étais mais j’en ai vu pas mal à Santa Cruz. La fête de noël, de la navidad en espagnol, c’est d’abord la fête de la naissance du Christ. Cependant, à Santa Cruz comme dans les villes européennes, c’est d’abord un moyen de montrer l’opulence et les miracles de la technologie.
Une crèche high-tech sur la place centrale de Santa Cruz.

C’est bien sûr une fête commerciale, avec la multiplication des jouets en plastiques genre produits dérivés de Nemo, Cars, Ben 10, Mickey et autres personnages de la culture populaire mondialisée. Rien de traditionnellement bolivien, évidemment. Rien d’artisanal ou de fait-main non plus. Uniquement des joujous pour les enfants. C’est d’ailleurs la fête des enfants, mineurs. Une fois grands, plus de cadeaux et pas d’échanges de cadeau entre les parents.
La place centrale de nuit. Chaque arbre est entouré de guirlande, mais ça ne rend pas grand-chose en photo.
L’avenue des restaurants, avec des cônes lumineux symbolisant les sapins.
Je n’ai pas cherché à savoir si les enfants croient au père noël mais ça m’étonnerait. Les seuls que j’ai vu étaient en plastiques, pour que les enfants puissent être pris en photos avec. Pas de listes de cadeau ni de calendrier de l’avent.
Le sapin de l’aéroport international, avec sa crèche.
Finalement, noël en Bolivie c’est une messe le 24 au soir avec un gâteau offert par le pasteur, des cadeaux pour les enfants le 25 au matin, un repas collectif de tout le village le 25 à midi, selon possibilité. Cette année, les ménonites ont offerts 17 sacs de riz, donc ils devraient se faire une bouffe, mais pas d’aliments spécifiques, c’est le fait de manger ensemble qui compte. Et j’espère que pour vous aussi, ce sera ça le plus important. Passer un bon moment avec des gens agréables. Je vous le souhaite et vous dit à l’année prochaine pour de nouvelles aventures !

Et oui, je suis rentré en France, donc plus de blog jusqu’à mon prochain voyage, en mai ! Je répondrai aux messages si vous m’en laissez et si j’arrive à numériser les dix VHS que j’ai ramené dans mon sac à dos, je vous proposerais peut-être un petit quelque chose. J’espère que ça vous a plu. Pour moi, ce fut parfois un peu difficile cette année mais dans l’ensemble très intéressant.

lundi 17 décembre 2012

Le zoo de Santa Cruz

Avec un haut-savoyard rencontré à l'hôtel, je suis allé faire un tour au zoo de Santa Cruz de la Sierra !
Je vous propose donc quelques photos prises à travers les cages ou non, selon les animaux. C'est une sélection que je vous propose, mais une jolie sélection ! Des animaux exotiques, du genre que l'on ne peut rencontrer dans l'hémisphère nord !


 Le problème de ce zoo est que les noms des animaux ne sont pas toujours indiqués, que l'on se balade sans plan et qu'il y a plusieurs animaux qui se baladent entre les cages. C'est assez chaotique, avec des cages toutes petites parfois et à côté d'immenses zones plus aérées. Une immense volière traversée par une passerelle en bois permet d'apprécier les oiseaux, iguanes et tortues dans un milieu plus naturel.
Celui là je connais, pirate oblige, c'est un ara rouge
Et puis, c'est un zoo, un lieu ou une espèce animale en enferme une autre. Moralement, c'est contestable. Il me semble cependant que ce n'est pas si négatif car cela permet aux gens de découvrir la variété de la faune locale, de mieux apprécier les êtres vivants, pour peut-être un jour mieux les respecter. Parce que, le respect pour les animaux n'existe pas en Bolivie, c'est assez effrayant. Mais bon, je suis convaincu qu'il y a d'excellentes raisons de trouver ça ignoble.
Un enfant avait lancé une boîte de nourriture au singe araignée (à droite), l'autre le regarde avec envie.
Les enfermer permet aussi de montrer des animaux vivant dans d'autres parties de la Bolivie, ce qui donne très envie d'aller y faire un tour ! Voici donc quelques camélidés vivant dans les montagnes ! Des animaux qui font tout de suite penser à Tintin et le temple du Soleil !
Je crois que c'est un lama, mais peut-être que c'est un alpaga

Celui-ci est un guanaco

Et lui est un alpaga ou peut-être un lama, je ne sais pas faire la différence.
L'entrée au zoo coûte environ un euro dix plus le coût du taxi ou bus pour y aller. C'est environ le salaire d'une heure de travail moyennement payée. Et le dimanche où j'y suis allé, il y avait une jolie foule, donc c'est relativement accessible. Une foule composée surtout de famille et de jeunes couples dont c'était la sortie en amoureux.Rarement d'appareil photo mais une très bonne ambiance dans tout le parc.
Un grison (découvert le 2 mai 2013 !).
C'était l'occasion pour moi de voir enfin des animaux dont les Sirionos m'ont parlé à plusieurs reprises, certains dont j'ai déjà pu voir les dépouilles ou goûter la viande. Les animaux qui suivent sont donc tous des animaux qui vivent dans la partie de Bolivie où je travaille. Il en manque plein, mais c'est déjà une chouette petite sélection.
Capyguara, le plus gros rongeur du monde, il fait la taille d'un gros chien.
Il faisait chaud, et en milieu d'après midi, de nombreux animaux dormaient ou paressaient au soleil.
Le tapir, un énorme animal indolent. Taille petite vache.
Entre les arbres, un caïman.
Des ragondins. Le panneau indiquait castor puis le nom latin des ragondins. Vu la queue fine, c'est plutôt des ragondins.
D'autres en profitaient pour se balader dans le parc, grimper dans les bambous ou se trainer vers la sortie du parc, inatteignable.
Un paresseux mouillé, regardant un autre bambou ou grimper.
Une grosse tortue
Pour d'autres c'était le temps de la balade puis ensuite d'aller manger. La plupart des animaux avaient des assiettes de fruits exotiques et de graines, certains des bouts de carcasses. Ils n'avaient pas l'air trop malheureux, surtout ceux qui vivaient dans des grands espaces ouverts. Le zoo n'est cependant pas très clean, avec des travaux à plusieurs endroits, des barrières à moitiés ouvertes, des étendues d'eau stagnante.
Un pécari à collier (Taitetu), qui ressemble un peu à un sanglier
Un petit tatou saisit sur le vif !
Je ne sais pas pourquoi il est aussi célèbre mais voici un fourmilier (oso hormigero)
Le zoo est organisé en plusieurs espaces, avec plusieurs que je ne vous présente pas, car les photos que j'ai prises ne sont pas très réussies. Vous ne pourrez donc pas apprécier les daguets gris, les vautours harpies, les condors urubu, les innombrables variétés de perroquets et perruche, les boas constrictor et anaconda jaunes, les poissons exotiques (moins biens que le musée de Trinidad cependant), les caïmans yacaré (lagarto) et biens d'autres encore. Heureusement, j'ai quelques bonnes photos de félins pour conclure cet article en beauté !
Au fond de sa fosse, dévorant une carcasse, le fameux jaguar
Un autre jaguar endormis, ou peut-être un ocelot, il n'y avait pas de panneau
Et pour finir, un puma !
Et voilà pour la visite ! Un article pas très long à lire mais avec plein de chouettes photos ! J'espère que ça vous aura plu et je vous donne rendez-vous au prochain article, qui parlera peut-être de noël, ou de la fin du monde, si elle arrive avant.

jeudi 13 décembre 2012

Un voyage inattendu

Le travail de linguiste de terrain, tel que je le pratique, est un travail d’investigation d’une nature très particulière. Je suis à l’autre bout du monde, dans un coin reculé d’un pays exotique, mais je n’y suis pas pour faire du tourisme, comme certain de mes derniers articles pourraient le laisser penser, ou pour ramener des colliers de graines. Non, j’y suis pour étudier une langue. Et la spécificité d’une langue c’est qu’il ne s’agit pas d’un objet concret. Je ne peux pas utiliser de pioches ou de foreuses pour déterrer des objets anciens, ni utiliser de procédés chimiques ou mécaniques complexes pour obtenir mes résultats. Non, je travaille avec des humains, au sein d’une communauté. Ce qui peut impliquer plusieurs imprévus, dont les deux que je vais vous narrer aujourd’hui. Ce sera donc un article un peu différent des autres, plus personnel (y aura même des photos de moi), mais c’est un carnet de bord, fallait vous y attendre. Il sera aussi plus long. Et il y aura des références à un film qui sort bientôt. Vous voilà prévenu.

Un anneau pour les gouverner tous

En décembre se termine l’année scolaire, et c’est l’occasion d’une nouvelle fête. D’abord une journée de l’élève, à l’école, où chaque enfant présente un objet artisanal, un dessin et un plat qu’il a préparé lui-même. Bon, souvent c’est plutôt le père qui s’occupe de l’objet et la mère du repas, mais ce fut pour moi l’occasion de rencontrer le directeur de l’école. J’ai pris plusieurs photos à la demande puis j’ai pu discuter de la transmission de la langue dans l’école. Bon, c’était rigolo.
Voilà promotion des enfants de l'école ! Au dessus, un couple que j'aime bien. Lui n'est pas du village.
Un peu plus tard a eu lieu la promotion des enfants, des kinders, comme ils disent ici, en bon espagnol (?). Et ensuite ont commencé les problèmes. Pour célébrer la réussite au bachilier, le diplôme de fin de scolarité, les jeunes font des grosses fêtes, organisées et financées par leurs familles et leurs parrains. Ils nomment alors des parrains pour les différents aspects de la fête : boissons, salade, gâteau, salle, anneau.
Le gâteau à la crème qui apparaitra dans la suite de l'histoire !
Le voilà donc l’anneau que je vous annonçais à la fin du message précédent. Et voilà venir une jeune bachelière, fille du prof de l’école et unique élève à finir sa scolarité cette année à Ibiato. Elle vient me solliciter pour être son « padrino de anillo », parrain d’anneau. Je demande à mes hôtes qui m’expliquent. Il s’agit d’acheter une jolie bague, au moins 60 euros, pour la passer au doigt de la jeune fille le jour de la promotion. Et là, je suis mal. Je tourne le problème pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’un autre gars ne vienne me demander d’être le parrain de son fils, qui sortira du service militaire pour recevoir son diplôme à Trinidad en milieu de semaine. Et là encore, il me demande de lui passer la bague au doigt.
J'sais pas vous, mais moi ça me fait flipper.
Je me consacre à mon travail et ne voit pas vraiment comment gérer ce problème, jusqu’à ce que j’en discute avec Aurore et mes parents. Je comprends alors pourquoi ça me pose tant un problème. Ce n’est pas l’aspect financier, le gaspillage d’argent pour un truc inutile ou de passer la bague au doigt d’un homme qui m’ennuie, mais surtout la conception des rapports humains que ça implique. Être le parrain va faire d’eux mes filleuls mais surtout mes obligés, et ça me dérange profondément. C’est un engagement grave et qui va contre ma façon de voir les choses, à un niveau très profond, mais difficile à expliquer aux gens du village.
Ça faisait longtemps que je vous avais pas montré le village ! Avec des ânes en prime !
Finalement je vais voir la fille pour lui dire que je ne veux pas lui passer la bague au doigt, car dans mon pays ça n’a que le sens du mariage et que ça a bien trop d’importance pour moi. Je lui propose de l’aider à acheter des livres scolaires, si elle veut. Elle me dit que ça ira si je participe comme parrain de boissons, avec mon hôte. Il l’est déjà, de sodas, et je me retrouve donc à payer pour deux caisses de bières. De l’autre côté, j’explique au père que ça m’ennuie de placer son fils dans ce rapport de domination sans avoir pu en parler avec lui avant. Il comprend et me propose lui aussi d’être parrain pour les boissons, sodas cette fois, famille évangélique oblige. Je lui passe de quoi acheter trois caisses de jus de fruits. J’hésite puis me rend finalement à Trinidad pour filmer et prendre des photos de la promotion pour les imprimer et lui offrir l’an prochain. Une sorte de complément au cadeau, qui leur coûterais des fortunes alors que ça ne vaut rien en Europe. La fête de la fille a finalement été reporté à une date ultérieure à mon départ. Je m’en suis donc sortis.
Le jour de la clôture de l'année scolaire, remerciement à la communauté. Car je suis un peu comme un enfant chez eux.

Et dans les ténèbres les lier 

Mais c’est là qu’a commencé la seconde histoire, à Trinidad. Je suis donc retourné en ville en milieu de semaine, moyennement motivé à perdre des jours de travail. Heureusement, mon collaborateur principal, celui avec lequel le travail fonctionne le mieux, Hugo, a accepté de venir avec moi en ville, « pour travailler ». Bon, le jeune bachelier, c’est aussi son neveu, donc ça l’arrange. Nous arrivons le mercredi vers 18h et nous rendons à l’hôtel où je descends habituellement, pour prendre une chambre avec deux lits. Chance, la collègue allemande que j’avais rencontré l’an passé est là pour la soirée. Je resors cependant manger avec mon collègue, celui qui m’héberge au village et Erik, le futur bachelier. Je les abandonne après avoir réglé la note, comme toujours. J’indique que je préfère rentrer seul et Hugo me demande 5,5 euros pour payer un coup à boire à son neveu. Je lui donne sans insister, on a bien bossé plus tôt dans la journée, et je paye normalement 2,2 euros de l’heure (le double du salaire normal en Bolivie, oui, c’est un pays pauvre). Je passe une bonne soirée, lui rentre bourré vers 1h. Nuit.
Vous avez vu comme je fais bien la nuit !
Lendemain : cérémonie, avec messe d’une heure horrible, défilé des 70 bacheliers et photos à foison. Ils hésitent sur l’endroit où aller manger. Je sens le coup venir d’avoir à tous les invités et je préfère aller me reposer. Hugo me rejoint à l’hôtel vers 16h et nous bossons deux heures environ. La faim au ventre, lui n’ayant pas mangé à midi et moi non plus finalement, nous sortons manger un bout et attendre la soirée-fête, qui ne commença pas avant 22h finalement. J’y revois un Siriono que je voulais voir depuis longtemps, ce qui est bien, et les gens ne boivent pas d’alcool. Ils me demandent finalement de participer à l’achat de quelques bouteilles, je file 5,5 euros, n’ayant rien de plus sur moi (à dessein). Je les abandonne alors, fatigué d’être pris pour une banque ambulante. Il est minuit. Mon collège ne rentre qu’à 6h, complétement bourré, je l’entends vaguement me parler à travers mes bouchons d’oreilles mais ne me réveille pas complétement.
La promotion au complet. Erik est le deuxième garçon en partant d'en bas à droite.
Le vendredi matin sera sa nuit tandis que j’en profiterai pour aller voir une ONG qui a des archives intéressantes et le musée des poissons, dont je vous ai proposé les photos. Il se lève vers midi et nous rejoignons son frère (mon hôte au village, vous suivez bien) pour manger puis partir en manif. Et oui, ici aussi, il y a des manifestations régulièrement. Cette fois pour protester contre la consultation organisée par le gouvernement à propos de la construction de route à travers le TIPNIS. Personne n’est bien au courant des raisons de se plaindre, puisque les observateurs ne rendront leurs conclusions que la semaine suivante, mais il y a forcément eut des malversations !

Je suis la manif un moment, parce que c’est rigolo, puis nous retournons bosser deux heures et demi. C’est fou, le boulot avant presque bien. On ressort prendre l’air puis il part à une réunion tandis que je retourne bosser à l’hôtel. On se retrouve pour manger, avec son frère (toujours le même) puis nous tentons de bosser une petite heure avant de tomber de sommeil, autant lui que moi.
Cette photo date du mois dernier. Un magnifique exemple d'art urbain !
Le samedi se présente enfin, et avec lui le second imprévu. Mais d’abord, un agréable petit déjeuner au marché du coin, avec la découverte des guimauves locales qui s’appellent des soupirs (suspiro), amusant, non ? Après ça, il doit se rendre à une réunion politique et nous nous donnons rendez-vous pour manger. Je retourne à l’hôtel travailler, et l’attendre. J’ai écris une petite fable pour m’occuper puis j’ai reçu la visite (prévue) de mes hôtes au village, qui viennent me solliciter un prêt pour le premier mois d’hébergement l’an prochain. Je vous passe la discussion, pas très agréable. 

Hugo arrive finalement vers 16h, complétement saoul. Il entre en titubant et en débitant des phrases incohérentes, un peu en espagnol-bourré un peu en siriono. Il tente de m’expliquer que l’on a cherché à le convaincre d’accepter un poste politique mais qu’il n’en veut pas. Il va prendre une douche et j’en profite pour appeler son frère à l’aide. La pluie se met à tomber. Il sort de la douche et continue à parler sans cesse de choses incohérentes, m’appelant son frère et se félicitant que je comprenne ce qu’il me dit pour la dixième fois en siriono. Il décide soudain d’aller prendre une douche. Je ressors et vois la pluie. Elle tombe à verse, détrempant la terre du patio de l’hôtel ainsi que les allées, roulant jusqu’à la rue qui n’est plus qu’une rivière, ou un lac plutôt, car immobile. Je comprends alors que je vais devoir gérer ça seul.
Un autre jour de pluie, tranquille.
Un bruit sourd de choc, de corps qui s’effondre. Je retourne dans la chambre et le voit sortir de la salle de bain, après quelques minutes. Du sang s’écoule de son arcade droite, rougissant son œil et filant le long de son torse jusqu’à ses pieds. Il s’est bien cassé la gueule et il pisse le sang. Il n’a pas l’air de bien le comprendre mais il a envie de prendre une douche. Je jette un œil dans la salle de bain au passage. Il a dû perdre connaissance un instant, ou peut-être qu’il a volontairement chié dans la pièce. Mêlé à l’odeur du sang, c’est horrible. Je pâlis un peu et le laisse fermer la porte. Je ressors de la chambre. Il pleut toujours des trombes d’eaux. Le frère ne peut rien faire pour m’aider.
C'est vache, mais j'ai rien d'autre pour illustrer. Photo prise pendant le weekend de la fête du département.
Je retourne dans la chambre lorsqu’il sort de la salle de bain. Je tâche de le convaincre de s’assoir un moment sur la cuvette des toilettes, pour qu’il ne dégueulasse pas son lit. Je ne sais pas trop quoi faire. Il me demande si j’ai appelé la police. Je lui réponds que ça serait plutôt l’hôpital qu’il faudrait appeler. Il refuse et après une ou deux longues minutes, il retourne vers le lit. Je sors de la chambre et attrape au passage le garçon de l’hôtel, pour qu’il vienne m’aider. Il me donne de la glace, m’expliquant qu’il ne servirait à rien de le mener à l’hôpital, il est alcoolisé donc ils le foutraient dans un coin en attendant que ça lui passe. Chouette. Je le force à garder la glace contre sa tête, et à rester allongé, silencieux. Je m’aide de la menace d’appeler son frère sinon, ce qui correspond à sa plus grande peur. Il a faim. Moi aussi. Il pleut toujours autant.
Je ne vous ai pas raconté la fois où une ruche s'est installée dans ma chambre ?
19h arrive difficilement. Je lui demande de nombreuses fois de rester immobile mais il ne fait que somnoler à moitié et ne s’endort pas. Il va finalement prendre une douche puis nous sortons manger. Au passage, je demande au garçon de l’hôtel des serviettes propres. Il me dit qu’il nettoiera le sol et la salle de bain et qu’il n’y a aucuns soucis. Ah bon…

Nous sortons sous une pluie fine, et allons manger au restaurant le plus proche. Il est toujours un peu perché mais calme. Nous commandons des cuisses de poulet mais il reçoit une aile alors il refuse d’y toucher, puisque ce n’est pas ce qu’il a commandé. Je le force à manger quand même le riz, les frites et les bouts de bananes. A la table d’à côté, j’entends deux filles parler en français. Une sorte de micro-miracle à Trinidad. C’est la première fois que ça m’arrive. Je demande alors à Hugo de rentrer seul à l’hôtel pour aller discuter avec elles. Il me dit qu’il va aller manger ailleurs, et que ça serait bien de lui passer des sous pour ça d’ailleurs. J’abandonne et lui passe de quoi foutre le camp.
Je discute alors tranquillement avec les deux filles, travaillant pour une agence non-gouvernementale qui s’intéresse à l’accès aux médias. Une discussion qui me change les idées, même si je crains que ça ne soit pas terminé une fois de retour à l’hôtel. Finalement, il aura presque décuvé à son retour et la nuit se passera tranquillement. A l’exception de son réveil surprise à une heure du mat pour me souhaiter une bonne journée en siriono.
Photo prise durant ma fête de départ du village, mercredi soir.


Une histoire éprouvante qui, combinée à la précédente, m’a vanné. Je suis retourné au village lessivé, et assez déçu par tout ça. Voir un homme d’une cinquantaine d’année dans un aussi piteux état est triste. Je reste impuissant face à un désespoir que je comprends mais auquel je ne peux rien. Car vivre avec des gens, c’est assister à des moments comme ça. Car chercher le contact et la transmission de savoir, c’est toujours obtenir beaucoup plus que ce que l’on a demandé. Car la vie est inattendue, incontrôlable, libre. Pour tout ça, j’arrive à apprécier mon boulot. Même si j’espère fortement que ces situations ne se reproduiront jamais.
Et une photo à la con pour finir, du masque traditionnel que je me suis acheté aujourd'hui !

vendredi 7 décembre 2012

Le musée ichtyologique

Voici un nouvel article plein de photos ! Cette fois, j'ai été au musée ichtyologique (museo icticola) de l'Université de Trinidad, et comme son nom l'indique (le mot est bien plus courant en espagnol qu'en français), c'est un musée de poissons !
 Il s'agit d'un bâtiment d'une taille modeste, composé de deux salles uniquement. Ci-dessus, vous voyez environ un tiers de la première salle, qui contient des dépouilles animales. Je vais néanmoins vous présenter d'abord l'autre partie, celle dans laquelle il y a des aquariums.
Voici le Surubí, le poisson le plus fameux de Bolivie, parait-il.
Celui-ci est une Palometa real
Voici le bentón, celui que pêchait les Sirionos l'autre jour
 Et à partir de maintenant, on revient dans la partie musée, que j'ai trouvé vraiment géniale. Rien de macabre ou d'écoeurant grâce à une technique de conservation sous verre qui nous présente les animaux de manière simple, mais néanmoins précise, avec des cartels indiquant le nom local, le nom scientifique, la date et le lieu de pêche. Comme je n'ai pas noté les noms, je vais continuer mes commentaires dans les légendes des prochaines photos. Si la vue d'animaux morts vous révulsent, je vous donne rendez-vous au prochain article !

Ci-dessus, le même bentón, vu de dessus.
Il y a environ 400 espèces présentées, toute pêchées dans les fleuves de la région !
Les fleuves Ibare, Mamoré, Madre de Dios et Madera sont tous des affluents de l'Amazone.

La zone amazonienne, selon les frontières que l'on veut bien lui donner, correspond à environ 3% de la surface terrestre
Et sur ces 3% vivent environ 70% de la biodiversité planétaire !
Il y a également une variété de couleurs incroyables !
Pour la plupart, ça donne vraiment pas envie de marcher dessus !
Mais il y a aussi des dauphins d'eau douce, qu'ils appellent bufeo par ici.
Il y a quelques squelettes mais celui-ci est le plus impressionnant, largement plus d'un mètre.
En revanche, côté coupe de cheveux, celui-ci bat tous les records !
Et pour finir, le plus fameux poisson d'Amazonie sans doute, le piranha !

Voilà pour ma petite expédition matinale ! J'ai d'autres choses à vous raconter, dont une histoire avec des anneaux, mais elles seront pour plus tard ! J'espère que ça vous aura plu, et je vous souhaite un bon weekend, sous les applaudissements.