Pitch

Fragments de voyages en Bolivie par un apprenti linguiste étudiant la langue des Siriono.

mercredi 18 juin 2014

Une balade à Belém do Pará

J'ai laissé Belém derrière moi depuis presque deux semaines, et suis de retour au village. J'ai retrouvé mon collègue de boulot et je bosse donc activement. Je prends néanmoins un peu de mon temps de pause, depuis mon hamac, pour vous parler de Belém. J'aurais dû le faire plus tôt, j'ai l'impression d'avoir vécu plein de choses depuis et d'avoir oublié ce que je voulais vous raconter. Tant mieux pour vous, j'écrirai peu et vous proposerai seulement une grosse quantité de photos.

Je me souviens pourtant clairement de mes premières impressions. Arrivant de Bolivie, ce qui m'a le plus marqué, ce sont les voitures neuves. Le taxi qui m'emmène à l'hôtel est une berline avec la clim et le chauffeur à le réflexe de mettre sa ceinture de sécurité, chose que je n'ai vu dans aucune voiture bolivienne. Ce n'est pas le seul, je vois de nombreuses voitures neuves dans les rues de cette ville. Il y a une énorme pauvreté mais néanmoins une classe moyenne similaire à l'occidentale. De fait, c'est une vraie ville, avec son histoire, ses disparités et ses curiosités.

Art, hôtellerie, club nautique et œuvre postale.
Je n'ai compris que peu de choses à l'histoire de la ville, malgré une chouette visite à la maison du gouverneur, dont vous pouvez voir les photos dans un autre article qui parle de tout autre chose. Je vais néanmoins tenter de vous montrer trois aspects de la ville, sa richesse passée et actuelle, sa pauvreté actuelle et le faste de ses églises intemporelles. La ville de Belém du Pará a d'abord été fondée comme poste avancé colonial, d'où la présence d'un impressionnant fortin à l'entrée du port.

Une batterie de canons qui lézardent au soleil.

Un canon encore d’aplomb. J'ajuste mon tir et rate mon cadrage.

En plein tournage de...Amazonian Karate Kid ?

Belém a ensuite connu ses heures de gloire pendant la Belle-Epoque. L'exploitation du caoutchouc enrichissait cette ville portuaire et permirent à quelques riches d'offrir à la ville des allées de manguiers, une des spécificités de la ville, ainsi que de belles demeures autour du port. Celui-ci fonctionne encore, et les berges sont encore devenues tendance avec la construction d'une promenade et de docks modernes.

Depuis le fortin, à gauche une station de service pour les bateaux, au centre en rouge le marché de poisson.

Le port de Belém, avec ses anciens bâtiments encore glorieux d'un côté...

...de l'autre les pauvres pêcheurs qui se douchent à l'eau de mer, pendant que le touriste les photographie.

Les Docks modernes, grands entrepôts avec une plateforme sur rail sous le plafond où joue un guitariste translaté.

D'autres espaces urbains découpent la ville, notamment deux parcs, un dépendant d'un musée historique, très lié à l'université et aux personnes qui ont organisé le congrès de linguistique dans la ville, et un autre parc plus urbain, moins intéressant mais dans lequel il y a un phare permettant des vues touristiques de la ville depuis les hauteurs.

Citerne du parc transformée en château baroque par le fondateur du parc, on se croirait au palais du facteur Cheval.


J'ai trop de photos de ce parc magnifique, voici quelques aperçus.

L'autre parc bien plus moderne, et presque trop paysagé pour être honnête.

La ville en mode carte postale, depuis le phare (au centre).
Redescendant dans la ville et arpentant ses rues, on peut découvrir des quartiers vraiment très pauvres, la vieille ville a perdu tout ses commerces sauf peut-être quelques ferronniers et le marché aux poissons laisse une impression étrange. Les rues marchantes un dimanche également, semblant abandonnées.
Deux immeubles assez typiques de ce qu'est la ville.

La caserne de pompier, comme une dédicace à mon pote pompier ( à mi-temps !)

La rue du marché, un dimanche. Au centre, une ligne de tramway qui ne fonctionne plus depuis des lustres.
Et pour finir le tour de la ville, quelques photos d'églises, toutes de dorures et d'excès. Je reviendrai peut-être sur cet article plus tard, j'ai l'impression de n'avoir rien raconté. Mais bon, au moins vous pouvez voir les photos de ce court séjour à Belém du Pará !
La plus ancienne église je crois, proche du club nautique du début.

Grandiose et naïf, les représentations religieuses en Amérique du Sud ont toujours quelque chose de surprenant.

Une autre église, tout aussi démesurée.

En face de l'église, un bâtiment avec une dépouille, et des promesses moins pesantes que des cadenas.

dimanche 8 juin 2014

Une vision de Belém do Pará

Je suis à Santa Cruz de la Sierra, Bolivie, depuis quelques jours et je trie mes photos du Brésil. Je pense vous proposer quelques articles dans lesquels je parlerai de la ville et des impressions qu'elle m'a fais, mais je ne me sens pas inspiré ce soir, aussi je vous propose seulement quelques photos de murs de la ville, que j'ai bien aimé. La suite sera pour plus tard. 

Quelques mots d'explications, pour ceux qui auraient zappé le message précédent. J'ai passé dix jours à Belém, la capitale du département du Pará, au nord du Brésil. Je n'ai rien visité la première semaine mais je me suis bien rattrapé ensuite, en marchant énormément. J'ai découverts de nombreux quartiers de la ville, que je vous présenterai plus tard, avec quelques remarques générales. J'ai trouvé la ville peu rassurante, et à de nombreuses reprises, je n'ai pas osé sortir mon appareil photo. Les quelques photos qui suivent sont donc quelques exemples de peintures murales, une pratique très répandue dans cette ville, sur tout types de murs. J'aurais aimé vous en montrer encore plus, mais vous avez déjà là de beaux spécimens. Pour en voir plus, allez faire un tour sur l'excellente carte des graffitis brésiliens !

Au premier plan, sous la barrière, un canal puant.

Un mur de la vieille ville.

Une maison à moitié en ruine, récupérée par la nature et l'art.

Un autre mur de la vieille ville, peut-être qu'il y a un collectif derrière tout ça, car c'est le même type de court mur.

Un tag plus classique, mais j'aime bien le lettrage, même si je ne comprends pas le mot écrit.

Nette différence entre les bâtiments flambant neufs et les vieux murs colorés.

Une fresque parmi d'autres, j'en ai vu tant que je n'ai pas photographié !

mardi 3 juin 2014

Conférence de linguistique

Un article à part, pour une semaine hors Bolivie. A l'occasion du colloque international Amazonicas V qui a eut lieu à Belém, au nord du Brésil, j'ai pu voyager un peu et plonger dans un bain de linguistique pure. Trois thèmes étaient à l'honneur cette semaine, la prédication non-verbale, la phonologie au delà du mot et la famille de langue tupi. C'est dans ce dernier thème que je m'étais inscrit, pour présenter un petit quelque chose en vingt minutes. La conférence se déroulait dans un hôtel, où j'ai pris une chambre pour la semaine, bien que ce ne fut pas des moins luxueux, mais un peu de confort faisait du bien après un mois de Bolivie.
L'hôtel en bleu et le restaurant au premier blanc, au bord de l'Amazone (Rio Guamá à cet endroit du delta).
Durant l'évènement, je n'ai pris quasiment aucune photo, et je ne suis que très peu sortis en ville, et ce n'est qu'après, pendant les cinq jours supplémentaires que je m'étais réservé que j'ai pu découvrir la ville. La photo suivante, en deux parties, a été prise par l'équipe d'encadrement, qui étaient fort nombreuse, comme c'est toujours le cas dans ce genre d'évènement d'envergure. Oui oui, c'était un colloque assez reconnu, avec une soixantaine d'intervenants, dont les précédentes itérations furent dans d'autres pays amazoniens, toujours avec de jolies retombées, notamment en terme de publications scientifiques dans des revues. C'était donc un enjeux pour moi.
La salle de la conférence avec à gauche un détail du fond.
Avant d'être un enjeux, c'était une excellente occasion de rencontrer mes collègues linguistes, ceux qui travaillent comme moi, en partant sur le terrain pour étudier les langues dans les communautés, pour écrire des grammaires. Je ne critique absolument pas là les autres approches linguistiques, mais nous n'avons pas les mêmes méthodologies, problématiques ni surtout difficultés professionnelles. Et quand j'entendais les périples que doivent faire certains collègues pour atteindre les villages reculés, ça me fait relativiser sur la pénibilité de mon séjour bolivien. Et il s'est avéré que nombre de mes collègues sont plutôt sympas, et plusieurs sont de ma génération, je n'ai pas eut l'impression d'être le petit nouveau qui débarque mais bien un membre de la tribu.
La vue depuis le restaurant.
Durant la semaine, les conférences s'étalaient de 9h du matin jusqu'à 19h, avec deux heures de pause à midi, pendant lesquelles je profitais souvent de la piscine de l'hôtel. Le soir, nous mangions au restaurant de l'hôtel, ou parfois en ville, car il était terriblement cher, même si ça nous revenait au même prix en ville, puisqu'il fallait y aller en taxi. Quand je dis cher, c'était des plats à 40 euros pour trois personnes. Heureusement que les caïpirinhas n'étaient pas trop cher. Le dernier jour, les organisateurs avait prévus de nous faire traverser le delta en bateau pour manger à peu près la même chose mais dans un autre cadre. Les photos qui suivent proviennent de cette sortie. Et pendant que j'en parle, une fois là-bas, j'ai plongé à l'eau en suivant l'exemple de quelques collègues et j'ai nagé un peu dans l'eau boueuse de l'Amazone !
En face de l'hôtel, à l'embouche d'un bras de fleuve qui découpe deux petites îles sauvages.
Mais revenons à la semaine de conférences. Comme je disais, il y avait plusieurs thèmes et le mien se déroulait entre le mercredi après-midi et le jeudi, ma présentation tombant le jeudi matin. Le début de la semaine fut donc en partie consacré à la terminer. Oui, je n'étais pas prêt très en avance, mais je fus étonné de m'apercevoir que c'était le lot de tous, même des plus habitués. La difficulté fut que je ne présentais pas seul. Le sujet que nous avions choisis ensemble, avec Swintha et Eva-Maria, deux collègues linguistes portait sur les postpositions dans les langues tupi-guarani du sud.
Je vous sens troublé, tout comme l'eau de ce bras de fleuve, alors avançons.
Les langues tupi-guarani du sud ce sont celles parlées en Bolivie et au Paraguay. Il se trouve que Swintha aussi étudiait en Bolivie, d'abord une autre langue de la région puis une langue d'un groupe éteint, que nous avons comparé à la langue des Sirionos dans un article à paraître prochainement (dans une revue scientifique, pas ici, vous vous doutez bien). Content de notre collaboration, nous avons proposé à Eva-Maria de poursuivre ensemble, étant à l'étude d'une langue du Paraguay et connaissant les autres de ce pays. Au total on a donc rassemblé des données d'une douzaine de langue afin de proposer des analyses permettant à terme de discuter les origines des séparations de ces langues, les époques où elles se sont produites. Eva-Maria a pu venir à la conférence tandis que Swintha est actuellement en Éthiopie, où elle donne des cours de linguistique.
Pas mal de circulation, jusqu'à ce que nous arrivions à notre quai, à droite.
La communication fut difficile dans les mois précédents, Eva est allemande mais elle prépare sa thèse au Brésil et nous communiquions en anglais, quand les trois fuseaux horaires nous le permettaient. Les postpositions, ce sont dans ces langues un peu comme les prépositions en français, elles permettent d'introduire les compléments non-obligatoires. Ce qui était intéressant d'abord, c'est que dans certaines langues il n'y avait qu'un élément pour tout les sens possibles d'ajouts (locatif de but (vers quelque part), source (de quelque part/quelqu'un), comitatif (avec quelqu'un), bénéfactif (pour quelqu'un), causal (à cause de quelqu'un), instrumental (avec quelque chose)), tandis que d'autres langues présentent des éléments distincts.
Derrière nous, au fond, Belém.
Plus intéressant encore est le fait que certaines langues utilisent ce même élément pour marquer l'objet du verbe, et que ce marquage est différent selon s'il s'agit de première personne ou de troisième, selon s'il s'agit d'un humain ou d'un animal. C'est relativement rare dans les langues du monde, donc nous avons dû expliquer plus précisément ce point, et c'est Eva qui s'en est chargée, étant déjà intéressée par ce sujet auparavant. Elle mit longtemps à voir l'intérêt de la première partie (sa langue ne présentant que deux éléments) et nous fumes forcés d'attendre ses données pour avancer. J'en ai profité pour rédiger les diapositives en Latex, un traitement de texte qui en jette, mais qui nécessite quelques révisions quand on ne l'utilise pas pendant longtemps. Et Eva ne savait pas s'en servir alors j'ai dû écrire ses diapo, ce qui a ralentis un peu le processus.
Une barge garée à côté du restaurant.
Au final, nous avons réussis à finir dans les temps et à présenter à peu près correctement. J'ai galéré à formuler mes phrases en anglais et Eva a oublié une partie des conclusions à sa partie, mais j'ai pu les faire avant de passer aux conclusions générales et ça a été. Peu de questions vinrent de la salle, mais plusieurs discussions intéressantes nous aidèrent par la suite. C'était donc une bonne expérience, même s'il aurait été préférable d'avoir plus avancé avant le début du colloque. Nous avons néanmoins dans l'idée de poursuivre notre collaboration, qui nous a beaucoup enrichie. Le voyage s'arrête là pour ce soir, la visite de la ville sera pour une prochaine fois ! J'espère que ça ne vous a pas trop ennuyé !
Au loin, Belém sous la pluie.